La docteure Tam met en garde contre l’usage prématuré de la chloroquine

OTTAWA — Alors que le Canada participe à des tests mondiaux et accélérés de plusieurs médicaments qui pourraient être prometteurs pour le traitement de la COVID-19, la directrice de la santé publique du pays prévient qu’il ne faut pas préjuger des résultats et elle met en garde contre les risques de thérapies non éprouvées.

L’un des plus connus de ces médicaments est la chloroquine, un traitement connu depuis longtemps pour lutter contre le paludisme — ou malaria.

Le président américain, Donald Trump, a créé un certain émoi la semaine dernière lorsqu’il a présenté la chloroquine comme un traitement possible pour les victimes du nouveau coronavirus — il a même affirmé que ce médicament avait été approuvé par l’agence américaine des aliments et drogues (FDA). Or, on a appris plus tard que cette affirmation était fausse, ce qui n’a pas empêché la nouvelle de faire le tour du monde.

L’ancienne chef du parti albertain Wildrose, Danielle Smith, a écrit quelques jours plus tard sur les réseaux sociaux qu’une étude française avait révélé que «l’hydroxychloroquine guérit 100 % des patients atteints de coronavirus dans les six jours suivant le traitement».

Ces médecins ont constaté que le médicament réduisait la détection du virus dans les voies respiratoires supérieures des patients traités avec la chloroquine par rapport à un autre groupe. Mais selon les «Centers for Disease Control» aux États-Unis, l’étude était réduite, non randomisée, et les chercheurs n’ont pas effectué un suivi des patients — notamment s’ils étaient décédés. Les auteurs ont aussi reconnu que certaines des personnes traitées à la chloroquine avaient été exclues de l’étude parce qu’elles avaient cessé de la prendre car leurs conditions s’étaient détériorées. Mme Smith s’est depuis excusée pour sa publication et pour toute anxiété et frustration indues qu’elle avait pu causer.

À la suite de ces déclarations prometteuses sur le médicament, la société pharmaceutique canadienne JAMP Pharma a annoncé lundi son intention de faire don d’un million de doses aux hôpitaux canadiens pour le traitement de la COVID-19.

Cette décision a déclenché un avertissement sévère de la part de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada. La docteure Theresa Tam a rappelé lundi que la chloroquine n’est que l’un des nombreux médicaments existants qui sont actuellement testés pour soigner la COVID-19, et qu’elle ne devrait pas être utilisée avant que ces tests ne soient terminés. Ce médicament contre le paludisme pourrait non seulement être inefficace contre le SRAS-CoV-2, mais il pourrait aussi être dangereux, car tous les médicaments comportent des effets secondaires.

Les CDC aux États-Unis ont par ailleurs déclaré qu’il n’y avait pas de données disponibles provenant d’essais cliniques randomisés pour permettre l’utilisation de l’hydroxychloroquine contre le nouveau coronavirus.

Earl Brown, professeur émérite de virologie à l’Université d’Ottawa, a expliqué lundi que le médicament agit en abaissant l’acidité à l’intérieur des cellules, ce qui rend plus difficile l’entrée du virus. En laboratoire, la chloroquine est efficace contre plusieurs souches de virus, a-t-il dit, mais il n’a pas été prouvé qu’elle le soit pour les patients atteints de la COVID-19. Et ce médicament doit être utilisé avec prudence, car les surdoses sont dangereuses — voire mortelles. Or, il n’existe pas beaucoup de jeu entre la dose quotidienne et la dose dangereuse, précise le professeur Brown.

D’autres médicaments ont d’ailleurs pris le relais de la chloroquine comme traitement de référence contre le paludisme.

Le Canada participe par ailleurs à une vaste étude internationale lancée par l’Organisation mondiale de la santé pour examiner l’utilisation de la chloroquine et d’autres traitements potentiels de la COVID-19.

On évalue actuellement:

— le remdésivir, un médicament qui attaque la capacité de certains virus à se répliquer;

— le duo ritonavir / lopinavir, des médicaments développés pour lutter contre le VIH;

— le même duo ritonavir / lopinavir associé à l’interféron bêta, qui affecte la réponse inflammatoire de l’organisme.

La docteure Tam s’est dite impressionnée par les essais cliniques randomisés à grande échelle. Elle a souligné lundi que les patients sont nombreux à vouloir participer et que les résultats peuvent être analysés en temps réel.