WASHINGTON — Une enfant qui voit le visage de sa mère pour la première fois. Un garçon qui court dans les allées d’un magasin Target, stupéfait par tous ces jouets dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Un adolescent qui monte sur scène et qui épate les juges de l’émission «America’s Got Talent».
Caroline. Cole. Christian. Tous ne possédaient qu’une vision minime et étaient condamnés à la perdre en raison d’une maladie héréditaire de l’oeil pour laquelle on ne disposait d’aucun traitement — jusqu’à maintenant.
Un comité de la puissante Food and Drug Administration des États-Unis a recommandé à l’unanimité, au cours des derniers jours, l’approbation une nouvelle thérapie génique qui a amélioré la vue de ces trois jeunes et d’autres touchés par une cécité héréditaire.
Il s’agit de la première thérapie génique autorisée aux États-Unis pour soigner une maladie héréditaire, et la première lors de laquelle un gène de correction est administré directement au patient. La seule autre thérapie génique actuellement disponible aux États-Unis est un traitement contre le cancer qui a été autorisé en août et qui reprogramme les cellules sanguines du patient en laboratoire.
Cole Carper, qui a été traité à l’âge de 8 ans et qui en a maintenant 11, a raconté comment sa vision a changé sa perception du monde. Quand il est rentré chez lui à Little Rock, dans l’Arkansas, «j’ai regardé vers le haut et j’ai dit, ‘Quelles sont ces petites choses brillantes?’, et ma mère m’a dit, ‘ce sont des étoiles’».
Sa soeur Caroline a été soignée à l’âge de 10 ans. Elle raconte qu’ensuite, «J’ai vu la neige tomber et la pluie tomber. J’ai été complètement surprise. Je savais qu’il y avait de l’eau au sol et de la neige au sol. Je n’avais jamais imaginé que ça tombait», puisque le ciel était quelque chose qu’elle ne pouvait pas voir — comme le sourire de sa mère.
Christian Guardino a tellement ébloui les juges d’«America’s Got Talent» qu’ils lui ont octroyé le «golden buzzer» — et il a pu voir la pluie de confettis dorés qui s’est ensuite abattue sur lui.
Le traitement Luxturna est fabriqué par Spark Therapeutics, une firme de Philadelphie. Il ne fournit pas une vision 20/20 et ne fonctionne pas pour tout le monde, mais une étude financée par l’entreprise a constaté qu’il améliore la vision de pratiquement tous les récipiendaires et qu’il semble sécuritaire.
«C’est excitant» et dans certains cas on peut envisager une guérison, mais on ne sait pas combien de temps dureront les bienfaits, a dit le docteur Paul Yang, un ophthalmologue du centre médical de l’Université de l’Oregon qui teste les thérapies géniques d’autres compagnies. «Il n’y a rien d’autre pour ces enfants.»
La thérapie a des implications plus larges, mais elle a été testée pour l’amaurose congénitale de Leber (ACL), qui est provoquée par la défaillance du gène RPE65. Ceux qui en souffrent sont incapables de produire une protéine dont a besoin la rétine, le tissu à l’arrière de l’oeil qui convertit la lumière en signaux que le cerveau peut interpréter. Les patients ne voient souvent qu’une lumière embrouillée ou des formes floues, et éventuellement ils perdent la vue.
Le gène défectueux peut passer inaperçu pendant des générations, puis s’activer quand un enfant malchanceux en reçoit deux copies.
«C’est habituellement une surprise (pour les parents) d’avoir un enfant aveugle», a dit la docteur Jean Bennett, qui a mise la thérapie à l’essai à l’Hôpital pour enfants de Philadelphie.
La docteur Bennett et son mari, le docteur Albert Maguire, ont conçu une course à obstacles pour tester les enfants après le traitement, et la FDA a estimé que cela constituait une mesure valide de l’efficacité de la thérapie.
«Le labyrinthe était en fait l’idée d’Al, a dit le docteur Bennett. Je l’ai assemblé dans notre entrée de garage», en utilisant des tuiles blanches avec des flèches, des rouleaux de mousse et des cônes. Des tuiles noires simulaient les trous que devaient éviter les enfants.
Lors de l’intervention d’une durée de 45 minutes, le médecin perce la partie blanche de l’oeil et y injecte un virus modifié qui transporte le gène de correction jusqu’à la rétine. Les bienfaits apparaissent au cours du mois suivant.
Dix-huit des 20 participants à l’étude avaient amélioré leur performance dans le labyrinthe un an plus tard. Les deux autres ne disposaient possiblement plus de suffisamment de cellules rétiniennes pour répondre à la thérapie: l’un d’entre eux a mieux fait lors d’autres tests et la condition du dernier a cessé de se détériorer.
La FDA doit décider, d’ici le 12 janvier, si elle approuve formellement le Luxturna.
La mutation du RPE65 peut causer d’autres problèmes de vision que l’ACL, donc une approbation du traitement serait une bonne nouvelle pour tous ceux chez qui ce gène est défectueux, et non seulement pour ceux qui souffrent d’une maladie spécifique.
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Sur internet:
https://www.youtube.com/watch?v=WsskVYisG60