La frontière canado-américaine ne rouvrira pas avant des semaines, selon Trudeau

WASHINGTON — Justin Trudeau a voulu contredire poliment Donald Trump, jeudi, en prévenant que le Canada était bien loin d’être près d’assouplir les restrictions de voyages entre le Canada et les États-Unis.

Le premier ministre a déclaré jeudi matin qu’il avait discuté de la question avec le président américain lors d’une visioconférence avec les autres dirigeants du G7. Et compte tenu de la relation unique entre les deux pays, les deux hommes ont convenu qu’ils continueraient à adopter une approche différente de celle qu’ils utilisent avec le reste du monde, a indiqué M. Trudeau.

«Le Canada et les États-Unis ont une amitié qui n’est pas comme d’autres autour du monde, a d’abord rappelé M. Trudeau. Nous reconnaissons que nous pouvons travailler ensemble à des niveaux plus intégrés que d’autres pays.»

Mais cela ne signifie pas pour autant qu’une décision d’assouplir l’interdiction de voyager soit imminente, a-t-il prévenu. «Nous allons continuer de collaborer et de coordonner, mais la réalité c’est qu'(il faudra encore) bien des semaines avant qu’on puisse parler de relâcher les restrictions par rapport à nos frontières ou la distanciation sociale.»

Trump impatient

Le président Trump, qui ne cache pas son impatience à «repartir l’économie américaine» le plus tôt possible, a semblé suggérer mercredi que cette impatience pourrait bien s’étendre à la frontière nord — un changement dans l’équilibre des tensions qui définissent habituellement les relations canado-américaines.

Le bilan de l’épidémie de COVID-19 aux États-Unis est le plus lourd dans le monde, avec plus de 560 000 cas et 33 000 décès à ce jour; le Canada, en comparaison, compte environ 18 500 cas et un peu plus de 1000 décès. Or, le président Trump semblait suggérer que les bilans des deux voisins étaient comparables.

«Notre relation avec le Canada est très bonne — nous en parlerons. Ce sera l’une des premières frontières à être rouverte», a soutenu le président. «Le Canada va bien, nous allons bien, alors nous verrons.»

Les deux pays ont négocié il y a près d’un mois maintenant une interdiction sur les voyages non essentiels dans les deux directions pendant 30 jours. Cet accord exclut le commerce transfrontalier ainsi que les travailleurs de la santé essentiels, comme ces infirmières qui vivent d’un côté de la frontière et travaillent de l’autre côté. Or, cet accord doit expirer mardi prochain et les représentants du gouvernement canadien indiquent que les discussions sont en cours sur l’opportunité de le revoir.

Par contre, d’autres restrictions sur les voyages aux États-Unis, comme l’interdiction aux ressortissants de plusieurs pays européens, devraient rester en vigueur encore un certain temps, a annoncé M. Trump. «Plusieurs pays sont fortement infectés — certains vont mieux, (mais) certains sont encore en progression, malheureusement. Nous gardons des frontières très serrées avec ces pays», a-t-il dit. «Mais avec le Canada, nous parlons d’autres choses.»

L’accord expire mardi

Pour ce qui est de permettre le mouvement des biens et des services vers les États-Unis, l’accord a mieux résisté que prévu malgré quelques irritants, a estimé Mark Agnew, directeur de la politique internationale à la Chambre de commerce du Canada.

L’accord doit expirer mardi prochain et des discussions sur son extension sont en cours depuis plusieurs jours, a déclaré la vice-première ministre, Chrystia Freeland. Elle a toutefois précisé que les règles de «bon voisinage» plaident pour le maintien des restrictions.

Malgré ces discussions «extrêmement amicales et extrêmement efficaces entre voisins», le Canada ne fera rien qui risquerait de mettre ses citoyens en danger, a-t-elle insisté. «Ce que je peux garantir, c’est que les décisions concernant la frontière canadienne sont prises par les Canadiens, point final», a déclaré Mme Freeland. «Notre gouvernement n’ouvrira la frontière que lorsque cela sera approprié et lorsque ça ne constituera pas un risque pour la santé et la sécurité des Canadiens.»

Le président Trump devait publier jeudi des directives nationales visant à orienter et à planifier la reprise économique du pays, même si les élus au Congrès et dans certains États préviennent des dangers d’aller trop vite. Le président a fait un pas de côté et admis qu’il ne serait plus le seul à prendre cette décision — ce pouvoir appartient exclusivement aux gouverneurs des États.

De leur côté, les responsables de la santé publique, bien qu’ils signalent des signes clairs d’amélioration des efforts pour ralentir le taux d’infection aux États-Unis, continuent de marteler l’importance de maintenir en place les mesures sanitaires comme la distanciation sociale et le confinement.