La Ligue des droits et libertés exige l’abolition des interpellations policières

MONTRÉAL — La Ligue des droits et libertés (LDL) a lancé mercredi une campagne sur les interpellations policières, aussi appelées «street checks», une pratique qui porterait atteinte à plusieurs droits fondamentaux et qui serait à la source des profilages racial et social.

En collaboration avec la Ligue des droits et libertés – section Québec (LDL-QC) et le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), l’organisme a diffusé une déclaration en ligne pour demander au ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, d’abolir cette pratique à travers la province. Une vingtaine d’organisations ont appuyé les revendications.

La LDL a également publié une brochure d’information pour aider la population à comprendre les enjeux liés aux interpellations policières, parfois appelées «contrôles de routine».

La campagne s’inscrit à l’approche du dépôt d’une nouvelle mouture du projet de loi nº 18, qui devait donner plus de pouvoirs au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) pour investiguer de potentielles bavures policières. Une des dimensions du projet de loi visait à rendre obligatoires les balises sur l’interpellation policière à l’ensemble des corps policiers. 

«On est dans la mauvaise direction avec ces balises-là, qui ont été élaborées en vase clos par les corps de police sans questionner l’impact sur les droits et l’absence de pouvoir policier de faire ces interventions», a expliqué Lynda Khelil, porte-parole de la LDL, lors d’une conférence tenue mercredi matin à Montréal.

Contrairement aux interceptions d’automobilistes sur le réseau routier, les «street checks» se font dans l’espace public et consistent, selon la LDL, en «une tentative par un policier d’obtenir l’identité d’une personne et de recueillir des informations, alors que la personne n’a aucune obligation légale de s’identifier, ni de répondre aux questions». 

À noter que ces interventions ont lieu en dehors du contexte d’une arrestation, d’une détention ou d’une enquête policière, et servent généralement au renseignement policier. Les informations obtenues auprès des individus peuvent ainsi être enregistrées dans une base de données policières, le Centre de renseignements policiers du Québec.

La Ligue des droits et libertés estime que cette pratique «arbitraire» viole certains droits citoyens, en plus de cibler des communautés marginalisées.

«Les personnes les plus visées sont les personnes autochtones, noires et racisées, les personnes en situation d’itinérance, les personnes prises avec des enjeux de santé mentale, les travailleuses du sexe et les personnes utilisatrices de drogues», a précisé Mme Khelil.

Selon un rapport publié en 2019 sur les interpellations policières à Montréal entre 2014 et 2017, les personnes autochtones et les personnes noires sont quatre et cinq fois plus à risque d’être questionnées que les personnes blanches.

«Il est question du droit à la liberté, du droit à la vie privée et à l’anonymat ainsi que du droit de protection contre les détentions arbitraires, qui sont tous protégés par nos chartes québécoise et canadienne», a-t-elle ajouté.

Une politique dérisoire

En 2020, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) avait mis en place une politique venant «encadrer et baliser de manière officielle l’interpellation policière», une «activité importante permettant aux policières et policiers d’accomplir leur travail», selon le site web de l’organisation. Ces interventions seraient effectuées «dans le but de porter assistance à une personne [et] de prévenir les incivilités et les infractions aux lois et règlements».

Pour la LDL, cet encadrement n’est que de «la poudre aux yeux», puisque ces interventions ne sont pas légalement reconnues par la loi en vertu de la common law.

«Tenter de mettre des balises aux interpellations ne mettra pas fin aux violations de droits et aux profilages racial et social, et ça éclipse un aspect important : l’absence de fondement juridique des interpellations», a précisé la porte-parole de la LDL, ajoutant que l’interdiction de cette pratique était également une recommandation de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse depuis 2019.

Selon elle, la nécessité des contrôles de routine n’a toujours pas été démontrée à ce jour, alors que «les insécurités que les interpellations génèrent au sein des communautés ciblées sont réelles et perdurent».

La Nouvelle-Écosse avait d’ailleurs interdit ces interpellations en 2019 après qu’un avis juridique indépendant a reconnu que la pratique touchait de façon «négative et disproportionnée» les hommes noirs. Le ministre de la Justice de la Nouvelle-Écosse avait ensuite renforcé sa directive en décembre 2021, interdisant les interpellations sans la norme du droit pénal de «soupçon raisonnable».

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.

Laisser un commentaire

Les commentaires sont modérés par l’équipe de L’actualité et approuvés seulement s’ils respectent les règles de la nétiquette en vigueur. Veuillez nous allouer du temps pour vérifier la validité de votre commentaire.