QUÉBEC — Le gouvernement Couillard a attaqué, lundi, le président du syndicat des policiers de Montréal, Yves Francoeur, qui fait «mal» au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) par son silence, quatre jours après avoir lancé ses allégations éclaboussant des élus libéraux.
C’est la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, qui a mené la charge, en après-midi, en sermonnant les partis d’opposition qui prêtent foi aux affirmations du syndicaliste, en plus d’admettre qu’elle en tremblait de rage.
«Quand on fait tout un émoi en période de questions à la suite d’allégations, je ne suis pas certaine qu’on respecte les institutions démocratiques et la séparation entre l’État et le judiciaire», a dit Mme Vallée en commission parlementaire sur l’étude des crédits de son ministère.
«Ça vient me chercher. La semaine dernière, j’ai répondu à la question de la collègue de Montarville (la députée caquiste Nathalie Roy). On m’a dit: ‘Stéphanie, tu tremblais’. Je tremblais de rage.»
Rappelons que M. Francoeur, qui est président de la Fraternité des policiers de Montréal, a soutenu jeudi dernier que deux députés libéraux, dont un qui siège toujours, ont échappé à une enquête criminelle en 2012.
Ils auraient fait l’objet d’une écoute électronique dans une enquête pour fraude et trafic d’influences, mais il n’y a pas eu de procédures judiciaires parce que le dossier a été bloqué en haut lieu, selon ce que suggère M. Francoeur.
La Directrice des poursuites criminelles et pénales, Annick Murphy, a affirmé n’avoir aucun dossier de ce genre et l’a invité la semaine dernière à prendre contact avec ses équipes, mais M. Francoeur a plutôt indiqué qu’il allait contacter l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Flanquée de Me Murphy, Stéphanie Vallée a dit qu’il faut éviter de politiser le travail du DPCP. Elle a pressé le chef syndical à contacter les procureurs, qui n’ont toujours pas reçu «un son de cloche» de sa part, quatre jours après lui avoir lancé un appel à la collaboration. La ministre a défendu Me Murphy et blâmé les partis d’oppositions.
«Si d’aventure ce que M. Francoeur allègue est fondé, qu’il fasse état des faits le plus rapidement possible, parce que le mal qu’il fait à l’institution est grave et ceux et celles qui boivent ses paroles font aussi mal à l’institution», a-t-elle dit.
La ministre a admis que ces allégations sont «graves», mais soutenu qu’il ne faut pas tenter «d’insinuer quelque chose» si cela ne s’est pas produit. Elle a soulevé des doutes sur les intentions réelles de M. Francoeur.
«Nous, comme parlementaires, il faut faire extrêmement attention avant de prendre pour du ‘cash’ des allégations lancées dans la sphère publique. Il peut y avoir des motivations derrière toutes ces manoeuvres», a-t-elle dit.
La sortie de M. Francoeur coïncidait avec le dépôt jeudi par le gouvernement d’un projet de loi forçant les policiers à porter leur uniforme. Un grand nombre d’agents portent actuellement des treillis pour protester notamment contre la réforme de leur régime de retraite.
La partie gouvernementale à la commission parlementaire a aussi attaqué vigoureusement Yves Francoeur. Le député d’Ungava, Jean Boucher, a affirmé que ces allégations étaient «totalement sans fondement» et ne demeurent que des «spéculations», des «suppositions».
La porte-parole péquiste en matière de justice, Véronique Hivon, a pour sa part demandé à Annick Murphy de fouiller dans le registre des avis d’écoute électronique consignés en 2012 pour trouver les noms des élus libéraux concernés. Me Murphy a toutefois écarté cette possibilité, qui équivaut selon elle à un «travail de moine», «à aller à la pêche».
«Ça serait une chose possible à faire, a-t-elle dit. Je ne veux pas m’engager à ça. Ce à quoi je m’engage, c’est répondre à une situation bien concrète qu’on pourrait me présenter.»