La musique aide-t-elle la concentration et la cognition? Ça dépend

MONTRÉAL — Mozart ou Metallica? Beethoven ou les Beastie Boys? Et quel Armstong préférez-vous: Louis ou Billie Joe?

C’est bien connu, tous les goûts (musicaux, dans ce cas-ci) sont dans la nature. Quand vient le temps de choisir une trame sonore pour mieux se concentrer ou mieux apprendre, il risque donc d’y avoir autant de bonnes réponses qu’il y a d’individus.

«Il y a la notion des goûts personnels et le fait qu’il n’y a pas une recette pour tout le monde, a dit la professeure Nathalie Gosselin, du Laboratoire BRAMS de l’Université de Montréal. C’est certain qu’on aimerait ça avoir la musique magique qui va faire que tout le monde va pouvoir se concentrer; malheureusement ce qui pourrait fonctionner pour un individu va peut-être agacer ou même nuire à quelqu’un d’autre. Il y a peu de chances qu’on utilise une musique qui va être bonne pour tout le monde.»

En janvier 2018, la journaliste Sara Chodosh en arrivait à une conclusion étonnante dans les pages du magazine Popular Science: la meilleure musique pour se concentrer serait celle… des jeux vidéo. En effet, écrivait-elle à ce moment, ce genre musical est spécifiquement conçu pour à la fois «stimuler vos sens et se fondre dans l’arrière-plan de votre cerveau, puisque c’est l’objectif de cette trame sonore».

Il y a toutefois une faille importante dans son argumentation: elle ne cite aucune étude scientifique en appui à sa conclusion et procède plutôt par élimination et par déduction.

«En sciences, on est très précis, on va dans les détails, et c’est très rare que la réponse est très franche, clairement oui ou clairement non. Il y a toujours une zone grise», a répliqué Mme Gosselin.

D’autant plus que la littérature scientifique sur le sujet est loin d’être unanime. Certaines études concluent que la musique est bel et bien en mesure d’avoir un effet positif sur la concentration ou la cognition; d’autres, en revanche, affirment qu’il n’en est rien du tout, quand elles ne détectent pas carrément un impact négatif.

Le problème avec ces études, a expliqué Mme Gosselin, est qu’elles ne mesurent pas toutes la même chose, d’où la difficulté d’en arriver à une conclusion claire.

«Dans une étude on va demander de se concentrer sur un texte et ensuite de répondre à des questions de compréhension, alors que dans une autre tâche on va faire une étude sur l’attention très précisément, donc c’est difficile de comparer tous les types de tâches et d’avoir une seule réponse», a-t-elle illustré.

Un point de départ

Cela étant dit, poursuit Mme Gosselin, la science fournit quand même quelques bases sur lesquelles fonder son choix musical.

«Premièrement, quand on veut utiliser la musique pour améliorer sa concentration, sa cognition ou sa mémoire, on peut toujours se demander à quel type de tâche on fait référence», a-t-elle dit.

Par exemple, faire la vaisselle et remplir sa déclaration de revenus sont des tâches radicalement différentes qui solliciteront des fonctions cognitives différentes, «donc ça se pourrait que le fait d’améliorer potentiellement notre concentration avec de la musique puisse dépendre du type de tâche sur lequel on doit se concentrer», a précisé Mme Gosselin.

Si les tâches auxquelles on s’attaque nécessitent le langage, ajoute-t-elle, il est déconseillé «d’utiliser des musiques par exemple qui vont avoir des paroles». De même, «on va s’attendre à ce que les musiques dont le tempo est plus rapide vont peut-être avoir cet effet-là d’activation, alors qu’une musique dont le tempo est lent ou très lent, au contraire ça va plutôt favoriser le côté relaxation».

Mme Chodosh, la journaliste de Popular Science, cite d’ailleurs ces deux caractéristiques de la musique de jeux vidéo pour étayer son choix: l’absence de paroles et le tempo plutôt rapide de ce genre musical.

«Même s’il n’y a pas de musique magique, il y a quand même des recommandations», a dit Mme Gosselin.

Elle évoque ensuite «la théorie de l’activation et de l’humeur» qui a été formulée par des chercheurs il y a quelques années. Cette théorie partait d’un article publié par le magazine scientifique Nature et qui concluait que la musique de Mozart, et très spécifiquement la musique de Mozart, pouvait aider à réussir des tâches spatiales et en quelque sorte améliorer l’intelligence.

Mais les auteurs de la théorie ont éventuellement démontré, par le biais de multiples études, que ce n’était pas la musique en tant que telle qui générait cet effet, mais le fait que la musique a le pouvoir d’activer, de stimuler, d’éveiller nos sens, et aussi le pouvoir de nous mettre de bonne humeur — toutes des conditions qui favorisent la cognition.

«Ils ont fait une démonstration intéressante en demandant à de jeunes adolescents d’écouter de la musique populaire pour eux, et les mêmes effets d’amélioration sur la cognition étaient vus, alors que ce n’était pas de la musique classique ou du Mozart, a conclu Mme Gosselin. Il ne s’agit pas d’un type de musique en tant que tel.»