La pêche lucrative des bébés anguilles dans les Maritimes attire les braconniers

HALIFAX — La décision d’Ottawa de fermer la pêche lucrative mais controversée des bébés anguilles dans les Maritimes a mis fin, dans les faits, à la saison 2023, a déclaré un détenteur de permis commercial dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

Brian Giroux, de Shelburne Elver, une coopérative de pêche qui emploie 39 personnes, a déclaré que la fermeture obligatoire de 45 jours annoncée par Pêches et Océans Canada samedi mettra fin en grande partie à une saison qui se termine normalement au début de juin.

«Les activités illégales qu’Ottawa n’a pas réussi à contrôler ont eu raison de la pêche autorisée et légale», a soutenu M. Giroux lundi.

Le ministère fédéral a fermé la pêche dans les rivières de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, invoquant des problèmes de sécurité et de conservation. Cette décision a été annoncée à la suite de plaintes continues de pêcheurs commerciaux et autochtones concernant la violence et l’intimidation croissantes dans cette industrie. 

Michel Samson, un avocat qui représente l’entreprise «Wine Harbour Fisheries», sur la côte est de la Nouvelle-Écosse, a déclaré que son client n’avait pris qu’environ 33 kilos sur son quota de 1000. Il a commencé à pêcher plus tard en raison des périodes migratoires, qui voient les anguilles arriver plus tard dans cette région de la province.

Mais selon M. Samson, on estime que tout le quota annuel pour la région a été utilisé de toute façon, avec environ la moitié prise par des braconniers. «Pêches et Océans a perdu le contrôle d’une situation qu’il a créée à bien des égards», estime-t-il. 

Le total autorisé des captures est de 9960 kilos depuis 2005. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada avait désigné l’anguille d’Amérique «espèce préoccupante» en 2006, puis «espèce menacée» en 2012.

Mets prisé en Asie

Les jeunes anguilles sont expédiées vivantes vers les marchés asiatiques tels que la Chine et le Japon, où elles sont cultivées pour l’alimentation. La demande croissante en a fait une denrée prisée, avec des prix atteignant 5000 $ le kilo en 2022. Mais selon M. Giroux, les prises illégales ont affecté les prix cette année, qui ont chuté jusqu’à environ 4000 $ le kilo.

Dans un communiqué publié lundi, les six chefs de la première nation Wolastoqey au Nouveau-Brunswick ont réclamé une réunion «urgente» avec la ministre fédérale des Pêches, Joyce Murray, «pour réitérer que notre permis commercial communautaire de civelles doit rester pleinement en vigueur».

Ces chefs représentent les communautés malécites de Madawaska, Tobique, Woodstock, Kingsclear, St. Mary’s et Oromocto.

À Ottawa, la ministre Murray a déclaré aux journalistes lundi que la décision de fermer la pêche avait été prise après que son ministère avait fait «tout ce qu’il pouvait» pour lutter contre le braconnage. «C’est tout simplement trop dangereux pour les gens, en plus des inquiétudes concernant le stock», a-t-elle dit.

La ministre a confirmé que les braconniers venaient de l’extérieur des Maritimes, et même de l’extérieur du Canada, dans ce qui équivalait à une «énorme escalade» de la pêche illégale. «C’était tout simplement trop dangereux de laisser cela continuer, et nous devrons vraiment réfléchir à la façon dont cette pêche sera gérée pour l’année prochaine», a-t-elle déclaré.

M. Giroux confirme que les violences cette année sont les pires qu’il ait vues. «Il y a eu des coups de feu et des passages à tabac. Il y a littéralement des centaines de joueurs illégaux qui essaient de se cacher parmi environ 400 pêcheurs légaux.»

Il soutient que les pêcheurs de sa région ont remarqué des véhicules avec des plaques d’immatriculation du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Ontario à proximité des lieux de pêche, ainsi que de certains États américains comme le Maine et le New Hampshire.

L’augmentation de la pêche illégale n’a fait qu’ajouter à la tension sur les allocations de quotas pour la saison 2023. Pour la deuxième année consécutive, Ottawa a accordé aux pêcheurs autochtones 14 % du quota commercial, alors que le fédéral cherche à accroître leur accès à la pêche en reconnaissance d’un droit issu d’un traité de gagner leur vie convenablement grâce à la pêche.

Les pêcheurs commerciaux maintiennent que la majorité de ce qu’ils prétendent être le braconnage est commis par des pêcheurs autochtones qui ne font pas partie des accords fédéraux. Mais les pêcheurs autochtones qui ne possèdent pas de permis soutiennent qu’ils revendiquent également leurs droits issus de traités. Mais selon M. Giroux, davantage d’«acteurs non autochtones» sont impliqués dans la pêche illégale.  

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