WASHINGTON — La nomination d’Amy Coney Barrett présente l’occasion pour les républicains de garder la Cour suprême sous leur joug pour des décennies. Et pour certains sénateurs républicains, c’est aussi une dernière chance de préserver leur carrière politique et de maintenir le contrôle de la chambre lors des élections de novembre.
Le débat entourant la candidate retenue par Donald Trump amène des sénateurs républicains à adresser certains enjeux controversés comme l’avortement et à s’associer à une femme conservatrice et religieuse dont la nomination semble certaine. De façon plus importante, ils espèrent que cette polémique fera oublier la gestion hasardeuse de la pandémie de COVID-19 par M. Trump, qui pourrait leur coûter cher le jour des élections.
Mais derrière des portes closes, même certains républicains doutent que cette nomination suffise à distraire les électeurs. Les démocrates, quant à eux, accusent les sénateurs républicains d’ignorer des enjeux plus importants pour solidifier une majorité de six juges conservateurs contre trois, menaçant certaines de leurs priorités, comme l’accès aux soins de santé et à l’avortement.
«Le Sénat a un gros travail à accomplir en ce moment: combattre le virus et apporter aux gens le soutien dont ils ont besoin, avance le consultant démocrate Rodd McLeod. Mais à la place, ils précipitent cette nomination.»
On retrouve des courses serrées pour une dizaine de sièges républicains alors que le Grand Old Party (GOP) défendra aux prochaines élections sa majorité de 53 à 47 au Sénat. Près de la moitié de ces chaudes luttes se déroulent dans des États comme le Montana et le Kansas, où M. Trump l’avait emporté aisément en 2016. La nomination d’Amy Coney Barrett devrait lui permettre de conserver ces sièges. Toutefois, cette décision serait plus risquée dans d’autres États clés comme l’Arizona, la Géorgie, l’Iowa et le Maine.
Depuis le lendemain du décès de Ruth Bader Ginsburg, les deux partis ont dépensé environ quatre millions $ en publicités télévisées sur la nomination à la Cour suprême, selon la firme de suivi publicitaire Kantar/CMAG.
Quatre sénateurs républicains faisant campagne dans des États clés sont membres du Comité judiciaire du Sénat. Ceux-ci ont tous louangé Mme Barrett lors des audiences de cette semaine.
Aucun sénateur républicain ne pourrait autant bénéficier de cette décision que Lindsey Graham, de la Caroline du Sud, qui est président du comité. Il s’oppose au démocrate Jaime Harrison, qui a amassé une somme record de 57 millions $ US dans le troisième trimestre. Les quatre jours d’audiences télévisées ont donné à M. Graham une plateforme pour se vanter de ses parties de golf avec M. Trump et pour démontrer que le contrôle du Sénat par les républicains se traduit par une hausse du nombre de juges conservateurs. Il en a aussi profité pour tendre la main aux électrices qui ont délaissé le Parti républicain en raison du comportement du président.
Dans un récent sondage du Washington Post et d’ABC News, une légère majorité d’électeurs enregistrés affirment qu’ils préféreraient que le prochain président choisisse un successeur à Mme Bader Ginsburg.
«C’est motivant pour les deux partis, c’est certain», analyse le sondeur républicain Robert Blizzard.
La campagne démocrate a utilisé la majorité de son budget dédié à des publicités concernant la Cour suprême pour viser la sénatrice républicaine Susan Collins, une des deux seules qui devrait pourtant s’opposer à la nomination de Mme Barrett. Selon les démocrates, cette stratégie permet de souligner l’appui de Mme Collins à un président qui sème la division.