OTTAWA — L’économiste principal de la Banque asiatique de développement (ADB), Albert Park, dit que la stratégie indopacifique du Canada pourrait échouer si Ottawa essaie de monter ces pays contre la Chine.
«C’est bien pour le Canada d’établir des liens plus étroits avec tous les pays de la région, souligne-t-il. Toutefois, plusieurs dirigeants asiatiques ne veulent pas choisir un côté.»
Selon lui, la stratégie pourrait répondre aux énormes besoins de la région sur le pan des infrastructures.
Le Canada est l’un des membres fondateurs de la Banque. Depuis 1966, celle-ci procure des prêts à des entreprises asiatiques du continent, du Kazakhstan aux îles Fiji. La majeure partie de son financement provient du Japon et des États-Unis.
L’établissement a un œil attentif sur les économies de la région. Il a récemment publié un rapport sur les nouvelles tendances macroéconomiques et des prévisions sur l’inflation et la croissance de chaque pays.
L’ABD s’attend à une plus forte croissance dans la région. Elle prévoit que l’inflation reculera au niveau d’avant la pandémie à un rythme qui pourra varier d’un pays à l’autre. Tout dépendra des événements à l’échelle de la planète, notamment la poursuite de la guerre en Ukraine.
Selon M. Park, le facteur important est la volonté de la Chine de rouvrir son économie. De sévères mesures visant à lutter contre la pandémie de COVID-19, notamment la fermeture d’usines, ont perturbé les chaînes d’approvisionnement. Si les consommateurs chinois ont continué à faire des achats sur internet, ils ont peu dépensé pour les services.
La Chine représente la moitié du produit intérieur brut de l’Asie. C’est le plus important partenaire commercial de presque l’ensemble des pays du continent.
«La région est plus étroitement liée à la Chine que toutes les autres puissances importantes à l’heure actuelle, souligne M. Park. La Chine est l’éléphant à côté duquel tout le monde dort en Asie.»
Le gouvernement canadien a annoncé en novembre ses intentions de renforcer ses liens avec les pays de l’Asie. S’il compte continuer ses échanges commerciaux avec la Chine, il compte ne pas devenir dépendant de cette puissance d’un point de vue économique. Le Canada tentera d’empêcher la Chine d’être active dans les secteurs stratégiques au pays.
Pour M. Park, l’équilibre ne serait pas facile à atteindre puisque presque tous les pays d’Asie veulent maintenir de bonnes relations avec Washington et Pékin.
«Une majorité de pays prêche sans s’arrêter pour l’ouverture du commerce et une plus grande intégration économique régionale et mondiale, dit-il. Il existe une certaine résistance contre les politiques pouvant nuire à une croissance partagée et à la prospérité des pays de la région.»
M. Park croit que le pari du Canada d’investir dans les infrastructures en Asie pourra profiter à toutes les parties.
Le Canada s’est engagé à investir 750 millions $ pour soutenir le développement d’infrastructures en Asie. Cette promesse survient alors que le gouvernement libéral a réduit les dépenses en aide étrangère. Le premier ministre Justin Trudeau s’est défendu en affirmant que plusieurs pays émergents souhaitaient développer leurs infrastructures.
M. Park refuse de commenter les politiques intérieures du Canada, mais constate qu’il existe de «grands besoins financiers» dans toute l’Asie pour des ponts, des ports et des routes pour faire face aux changements climatiques.
«Les besoins sont là. Le Canada peut se concentrer sur les choses qui sont constantes avec son propre agenda sur les changements climatiques, la politique des genres et tout ce qui le préoccupe. Cela permet de promouvoir l’engagement, la connaissance et l’établissement de réseaux.»