MINNEAPOLIS — La vidéo montrant un George Floyd à bout de souffle a été au coeur de la première journée d’audiences au procès pour meurtre et homicide involontaire de l’ancien policier blanc de Minneapolis qui avait pressé son genou sur le cou de l’homme noir.
Le procureur Jerry Blackwell a montré aux jurés les images à la première occasion, lundi, lors des plaidoiries d’ouverture, après leur avoir dit que les chiffres à retenir étaient: 9 minutes et 29 secondes — le temps pendant lequel le policier Derek Chauvin a maintenu George Floyd étendu au sol en mai dernier.
Le policier blanc «n’a pas lâché» même après que George Floyd, menotté, eut dit 27 fois qu’il ne pouvait plus respirer et que le corps de la victime était devenu mou, a déclaré M. Blackwell. «Il a mis ses genoux sur son cou et son dos, l’écrasant, jusqu’à ce que le souffle même — non, mesdames et messieurs — jusqu’à ce que la vie même soit expulsée», a déclaré le procureur.
L’avocat de Derek Chauvin, Eric Nelson, a répliqué en affirmant que «Derek Chauvin avait fait exactement ce pour quoi il avait été formé au cours de ses 19 ans de carrière». George Floyd résistait à son arrestation et Derek Chauvin est arrivé pour aider d’autres policiers qui peinaient à le faire monter dans une auto-patrouille, tandis que la foule autour d’eux devenait plus grande et plus hostile, a soutenu Me Nelson.
L’avocat de la défense a également contesté l’hypothèse selon laquelle Derek Chauvin était responsable de la mort de George Floyd.
George Floyd, âgé de 46 ans, ne présentait aucun des signes révélateurs d’asphyxie pendant l’intervention et il y avait du fentanyl et des méthamphétamines dans son organisme, a indiqué Me Nelson. L’avocat a soutenu que la consommation de drogue de George Floyd, combinée à sa maladie cardiaque et à son hypertension artérielle, ainsi qu’à l’adrénaline circulant dans son corps, avaient entraîné sa mort, à la suite d’un trouble du rythme cardiaque.
«Il n’y a pas de cause politique ou sociale dans cette salle d’audience», a déclaré l’avocat. «Mais les preuves dépassent de loin 9 minutes et 29 secondes.»
Le rapport d’autopsie a effectivement détecté du fentanyl et des métamphétamines dans l’organisme de George Floyd. La cause officielle du décès est toutefois un arrêt cardiorespiratoire, auquel auraient contribué les méthodes de contrôle des forces de l’ordre et la compression de la nuque.
Premier témoin: la répartitrice
La sélection du jury avait pris plus de deux semaines. On a entre autres demandé aux candidats s’ils avaient vu au moins un extrait de la vidéo, et plusieurs ont admis que cela leur donnait une opinion quelque peu négative de l’agent Chauvin. Mais certains ont assuré être capables d’en faire abstraction lors des audiences.
Le procès devrait durer environ quatre semaines, au palais de justice du centre-ville de Minneapolis, où des barricades de ciment, de grillages et de barbelés ont été érigées. Les responsables sont déterminés à éviter toute répétition des émeutes qui ont suivi la mort de George Floyd et la Garde nationale a déjà été mobilisée.
Le procès devra notamment déterminer si Derek Chauvin est responsable de la mort de George Floyd et si ses gestes étaient raisonnables. Pour qu’il soit reconnu coupable d’homicide involontaire, les procureurs devront démontrer que le décès de George Floyd a été causé par la négligence de Derek Chauvin, et que cette négligence a entraîné un risque déraisonnable. L’ancien policier pourrait aussi être reconnu coupable d’accusations moins graves.
La défense n’a besoin de semer un doute raisonnable que dans l’esprit d’un seul des jurés pour que M. Floyd soit acquitté. Quatorze jurés étaient présents lundi, mais seulement douze d’entre eux constituent le jury; il y a deux jurés substituts. On compte huit Blancs et six Noirs ou personnes multiraciales parmi les 14 jurés.
Lundi, le premier témoin appelé à la barre a été une répartitrice de la police de Minneapolis. Jena Scurry a déclaré qu’elle avait vu une partie de l’arrestation de George Floyd se dérouler via une caméra de surveillance de la ville. Mme Scurry a dit qu’elle était si perturbée à ce moment qu’elle a appelé un sergent de service. Elle a aussi déclaré qu’elle s’inquiétait parce que les policiers n’avaient pas bougé après plusieurs minutes.
«Vous pouvez m’appeler une moucharde si vous voulez», a déclaré Mme Scurry au sergent, lors de l’appel qui a été joué au tribunal. Elle a dit qu’elle n’appellerait normalement pas le sergent à propos du recours à la force parce que cela dépassait le cadre de ses fonctions, mais que dans ce cas-ci, «(son) instinct (lui) disait que quelque chose n’allait pas».
– Par Steve Karnowski et Amy Forliti, The Associated Press