Lac-Mégantic: un rassemblement en marge des commémorations

LAC-MÉGANTIC, Qc — Des citoyens qui réclament une enquête publique sur la tragédie de Lac-Mégantic et la fin de l’autoréglementation de l’industrie ferroviaire organisent leur propre rassemblement en marge des commémorations auxquelles participent de nombreux élus, dont Justin Trudeau et François Legault.

Entre 11 h et midi, jeudi, la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic invite les citoyens à déposer des gerbes de fleurs des champs sur les rails de la voie ferrée du centre-ville de Lac-Mégantic, au même moment, où, quelques centaines de mètres plus loin, le premier ministre du Canada et son homologue du Québec doivent participer à une célébration à l’église Sainte-Agnès.

«On a toujours tenu à garder notre indépendance du monde politique» alors «on ne fera pas complètement bande à part, mais on veut être distinct», a expliqué Robert Bellefleur, porte-parole de la coalition.

Des groupes de militants américains pour la sécurité ferroviaire, le représentant syndical de cheminots américains et différents groupes de citoyens sont attendus au rassemblement qui se tient en marge de la commémoration officielle.

«Il y aura aussi des gens de la Colombie-Britannique qui ont été touchés par la tragédie de Field», a expliqué monsieur Bellefleur en faisant référence aux trois membres de l’équipage d’un train de marchandises du Canadien Pacifique qui sont morts dans un déraillement survenu au au cœur des Rocheuses en février 2019. 

«C’est la seule et unique façon de faire la lumière sur l’inacceptable autocontrôle de l’industrie ferroviaire sur la loi et la sécurité ferroviaire au Canada», a indiqué Robert Bellefleur.

L’industrie ferroviaire, selon lui, a une influence démesurée sur les législateurs et il déplore aussi que des policiers qui travaillent pour le Canadien National ou le Canadien Pacifique enquêtent lors d’accidents impliquant leur employeur.

«C’est un conflit d’intérêts flagrant», selon le porte-parole de la coalition.

En vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, les agents de police des compagnies ferroviaires ont compétence dans un rayon de 500 mètres des biens que la compagnie de chemin de fer administre ou possède ou dont elle est propriétaire.

M. Bellefleur estime qu’une enquête publique est d’autant plus nécessaire que des pratiques dangereuses continuent d’être observées, comme, selon lui, le mauvais entretien des rails du chemin de fer qui passe au même endroit où la vie de 47 personnes a été fauchée il y a 10 ans.

La même demande depuis 2015

La demande d’une enquête publique ne date pas d’hier. En 2015, la mairesse de Lac-Mégantic d’alors, Colette Roy Laroche, avait réclamé la tenue d’une enquête indépendante. Le gouvernement de Stephen Harper n’avait pas donné suite à cette demande à l’époque. 

Le parti de Justin Trudeau a également fermé la porte aux demandes des partis d’opposition et des groupes citoyens pour tenir une commission d’enquête publique sur la tragédie ferroviaire.

Après l’acquittement des trois accusés pour le drame de Lac-Mégantic, à l’hiver 2018, l’Assemblée nationale du Québec avait à son tour voté à l’unanimité une motion pour demander au fédéral de mener une enquête publique.

Des systèmes de gestion de sécurité inefficaces

En août 2014, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) publiait une enquête dans lequel il faisait état de «18 faits établis distincts quant aux causes et facteurs contributifs» de la tragédie de 2013. 

Le BST avait alors montré du doigt le ministère fédéral qui assure de la sécurité des transports : «Transports Canada doit jouer un rôle plus actif à l’égard des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires, en s’assurant non seulement qu’ils existent, mais qu’ils fonctionnent et qu’ils sont efficaces»

Or, presque dix ans plus tard, le BST indiquait que même si «les exigences réglementaires ont été considérablement améliorées en 2015», le secteur ferroviaire «n’a pas encore montré les changements en matière de culture de sécurité et d’amélioration de la sécurité attendus».

À la lecture d’un document du BST appelé «liste de surveillance 2022», il apparaît que Transport Canada ne semble pas avoir été en mesure de s’assurer que les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) de l’industrie deviennent plus efficaces.

«Les enquêtes du BST continuent de relever des dangers dont les exploitants ne sont pas toujours conscients et n’évaluent pas toujours les risques en vue de pouvoir prendre des mesures d’atténuation des risques efficaces. En conséquence, le BST a déterminé que les SGS des compagnies de chemin de fer ne permettent pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques dans le secteur du transport ferroviaire.»

«Le problème», selon Robert Bellefleur,  «c’est que le BST peut faire des recommandations au gouvernement, mais il n’a pas de pouvoir sur l’industrie».

La Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic  demande également au premier ministre Justin Trudeau «d’annoncer rapidement la nomination d’un médiateur dans le dossier controversé de la voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic».

Les travaux de construction de la voie de contournement devraient débuter à l’automne, mais la question divise la communauté.

Des groupes de citoyens craignent notamment les répercussions de la construction de la voie sur les ressources en eau potable et les zones humides.

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