L’année fut houleuse pour certaines victimes des pensionnats pour autochtones

KAMLOOPS, C.-B. — Ce fut une année houleuse pour les victimes des pensionnats pour enfants autochtones au Canada.

La fin du mois de mai marquera le premier anniversaire de la découverte des restes de 215 enfants à l’emplacement d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique.

Cette découverte a fait renaître des sentiments variés chez les victimes de ce système. Pour certains, cela a réveillé des traumatismes; pour d’autres, ce fut une catharsis leur ayant permis de tourner la page.

Pour le chef Harvey McLeod, les cauchemars récurrents qui le tourmentaient depuis cette découverte, ont pris fin à l’automne lorsqu’il a rêvé à une jeune fille du pensionnat lui annonçant qu’elle était enfin arrivée chez elle.

Le chef de la Première Nation d’Upper Nicola, qui est demeuré deux ans au pensionnat de Kamloops, dit avoir interprété ce rêve comme un signe qu’il pouvait faire la paix avec le passé et passer à autre chose.

«C’était à la fois difficile et merveilleux», se souvient M. McLeod.

Percy Casper, un autre ancien pensionnaire aujourd’hui âgé de 73 ans,  raconte qu’il a dû trouver de la force en lui après l’annonce de la découverte des restes.

«Quand j’ai appris au sujet des restes des 215 enfants, c’est comme si on avait trop tiré l’élastique. J’étais épuisé et prêt à éclater.»

Il a vécu de nouveau un certain traumatisme pour les traitements subis et ressenti de la colère. Pour s’en sortir, il a misé sur des cérémonies traditionnelles autochtones menant à une guérison spirituelle.

Le vétéran de la Guerre du Vietnam dit avoir retrouvé une paix intérieure à la suite d’une cérémonie du solstice d’été près de Cache Creek.

«C’était à moi d’accomplir ce voyage intérieur spirituel. C’était à moi de me guérir moi-même. J’ai des enfants, j’ai des petits-enfants. Alors je suis très fier de dire que je suis coupable d’aider mes gens.»

Nicole Schabus, une experte du droit autochtone et environnemental à l’Université Thompson Rivers, dit que de nombreuses victimes l’ont appelée dans les heures suivant l’annonce de la découverte des restes d’enfants en mai 2021.

«Des victimes sont revenues à l’époque où elles étaient des enfants, réveillant les traumatismes intergénérationnels», souligne-t-elle.

Plusieurs ont raconté avoir rêvé de petits garçons esseulés, mentionne la Pre Schabus.

«Cela leur a pris du temps à réaliser qu’ils rêvaient à eux-mêmes.»

Âgé de 79 ans, Mike Arnouse, est demeuré pendant 11 ans au pensionnat de Kamloops. La dernière année lui a permis de renouveler son engagement à vivre avec la terre en parfaite unité.

«Il existe un cycle de la vie. Nous appartenons à ce cycle, dit-il. Les oiseaux savent quoi faire. Les mammifères savent quoi faire. Les poissons savent quoi faire. Mais nous, le savons-nous?»

Ce membre de la Première Nation d’Adams Lake croit que les pensionnats ont été construits pour exiler les Autochtones de leur territoire et leur imposer le mode de vie occidental.

«Ils mènent leur expérience sur nous depuis 500 ans, dénonce M. Arnouse. Je dis toujours en blague que j’ai été l’élève le plus intelligent de deuxième année pendant huit ans.»

Une cérémonie culturelle doit se dérouler lundi au Kamloops Pow Wow Arbour afin de souligner le premier anniversaire de la découverte.

L’école résidentielle indienne de Kamloops a été en activité de 1890 à 1969. Le gouvernement fédéral a succédé à l’Église catholique pour en faire une école de jour jusqu’à sa fermeture en 1978.

La Commission de vérité et réconciliation a recensé au moins 51 morts dans ce pensionnat de 1915 à 1963. Déjà en 1918, des responsables de la santé croyaient que les pensionnaires étaient mal nourris, notait-elle dans son rapport de 4000 pages publié en 2015.

Elle décrivait avec force détails les mauvais traitements subis par les enfants dans les pensionnats pour Autochtones, notamment les agressions physiques, psychologiques et sexuelles. Selon la Commission, au moins 4100 enfants autochtones ont perdu la vie à cause de diverses négligences dans de tels pensionnats au Canada.

 Une cérémonie culturelle doit se dérouler lundi au Kamloops Pow Wow Arbour afin de souligner le premier anniversaire de la découverte.

M. McLeod dit que la découverte des sépultures non marquées avait contraint les individus, les institutions et le pays tout entier à faire face au passé.

«Cela va nécessiter du temps, mais cela va tous nous changer d’une façon ou d’une autre.»