MONTRÉAL — Une délégation canadienne se rend à Paris pour défendre le maintien de l’Agence mondiale antidopage (AMA) à Montréal, et ce, jusqu’en 2031.
La mission survient alors que le comité exécutif de l’Agence se réunit à Paris et doit recevoir les soumissions de pays souhaitant accueillir l’organisme international. Le Canada doit y présenter sa propre soumission pour maintenir l’Agence dans la métropole.
«C’est une organisation à Montréal qui est très importante; l’Agence doit rester à Montréal au moins jusqu’en 2031», a déclaré vendredi matin à Québec la ministre des Relations internationales du Québec, Christine St-Pierre, qui sera du voyage.
Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, et des représentants de l’organisme Montréal international seront aussi à la réunion du comité exécutif dimanche pour tenter de tuer dans l’oeuf toute velléité de déménagement.
«Le Canada a toujours été reconnu comme une force dans le mouvement antidopage et c’est pour ça en partie que l’Agence a été installée ici, a pour sa part déclaré M. Garneau lors d’un point de presse à Montréal. Il n’y a pas de raison pourquoi ça devrait être déménagé.»
La décision d’envoyer des ministres pour soutenir la soumission canadienne fait suite à des informations voulant que d’autres pays tentent de ravir l’organisme.
«On sait que des gens demandent qu’il y ait un appel d’offres pour le renouvellement du lieu où l’Agence sera établie. (…) Il y a des villes comme Lausanne qui aimeraient bien l’avoir», a expliqué Mme St-Pierre.
L’Agence a été créée en 1999 et ses bureaux montréalais, où oeuvrent aujourd’hui 85 employés, ont ouvert leurs portes en 2001. À ses débuts, le siège social se trouvait à Lausanne, là où se trouve également le siège du Comité international olympique, mais il a rapidement été transféré dans la métropole, au grand déplaisir de certains dirigeants européens qui n’en sont pas à leurs premiers grommellements à ce sujet.
«On entend toujours râler», rappelle la directrice du Laboratoire de contrôle de dopage de l’INRS, la docteure Christiane Ayotte. Lors d’un entretien téléphonique avec La Presse canadienne, elle a souligné qu’une part des dirigeants de l’AMA sont issus du mouvement olympique et basés à Lausanne où se trouve le siège du Comité international olympique.
«Pour eux, c’est presque un crime de lèse-majesté que l’Agence mondiale se trouve dans le Nouveau-Monde. Ce ne sont pas ces gens qui auraient découvert le Canada ou l’Amérique», soupire-t-elle.
«Une fronde»
Le statut de Montréal comme ville d’accueil est renouvelable aux dix ans et il est assuré jusqu’en 2021. Dimanche, le comité exécutif sera donc saisi des soumissions pour la localisation de l’AMA jusqu’en 2031.
Un vote des deux tiers des membres serait requis pour que survienne un déménagement. Si la soumission canadienne était rejetée, le comité pourrait alors recommander au conseil de fondation, l’instance décisionnelle suprême de l’Agence, de lancer un appel d’offres pour trouver un nouvel emplacement.
«Il va probablement y avoir plusieurs soumissions, mais pour faire tout un changement comme ça, ça prendrait quelque chose d’exceptionnel», estime la docteure Ayotte.
«Il faudrait une fronde — et je crois qu’il n’y a aucun représentant de gouvernement qui est hostile à la présence de l’Agence à Montréal», ajoute-t-elle.
Le comité exécutif est composé de 12 membres, dont la moitié provient du mouvement olympique et l’autre de différents gouvernements. Le conseil de fondation, qui regroupe 38 membres, est également composé moitié-moitié de membres du mouvement olympique et des gouvernements.
Pour Marc Garneau, un déménagement serait une grave erreur. Il fait valoir d’une part qu’il en coûterait aux environs de 10 millions $ et qu’il y aurait un risque important de perdre plusieurs employés ayant développé une expertise très particulière au fil des ans. Il souligne, d’autre part, que la distance est un avantage et non le contraire.
«Du point de vue de la transparence, c’est particulièrement important d’avoir un certain écart entre une agence qui se penche sur la question du dopage et le Comité olympique, qui se trouve en Europe», dit-il.
Enfin, comme il faudrait entre un et deux ans pour réaliser ce branle-bas, le ministre fait valoir qu’il serait mal avisé d’imposer à l’Agence «une interruption importante au moment où la science continue d’évoluer sur l’antidopage».