Le dépistage de la tuberculose permettrait d’empêcher la propagation de la maladie

Un dépistage actif de la tuberculose pourrait permettre de réaliser des économies et de réduire le nombre d’éclosions dans les communautés inuites, où le taux d’infection pourrait être jusqu’à 40 fois plus élevé que dans le reste du Canada, affirme une nouvelle étude.

Les auteurs préviennent toutefois que le dépistage ne réglera pas à lui seul le problème des éclosions dans les régions vulnérables.

Des chercheurs de l’Université McGill, en partenariat avec la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik (RRSSSN), ont examiné les données générées par deux programmes de dépistage actif de la tuberculose menés par la RRSSSN dans deux villages du Nunavik, dans le nord du Québec, en 2019. Ils ont ensuite utilisé une modélisation d’analyse de décision sur une échelle de vingt ans pour prédire les prochaines éclosions avec ou sans programmes de dépistage.

L’étude publiée lundi par le Journal de l’Association médicale canadienne estime qu’un cycle de dépistage actif parmi les populations inuites a réduit l’incidence de tuberculose de 13 pour cent en 2019 et suggère qu’un dépistage biennal pourrait abaisser l’incidence de 59 pour cent.

La tuberculose a été la maladie infectieuse la plus mortelle à travers le monde en 2019. Elle touche de manière démesurée les communautés vulnérables, dont les Inuits du Canada, ce qui — selon les auteurs — témoigne de l’impact à long terme de la colonisation et des inégalités socioéconomiques.

L’étude indique que le taux de tuberculose dans les communautés inuites en 2017 était de 495 cas par 100 000 habitants, soit environ 40 fois plus que dans le reste du Canada.

Le co-auteur de l’étude, le pneumologue Kevin Schwartzman du Centre universitaire de santé McGill, a expliqué que le déploiement préventif de programmes de dépistage dans les régions vulnérables — plutôt que d’attendre une éclosion — «s’attaque d’une certaine manière aux problèmes les plus pressants».

«Mais il faut évidemment que ce soit jumelé à une réflexion plus fondamentale sur la prévention de la tuberculose, a-t-il dit. Nous savons que la surpopulation des logis contribue (à la propagation) et le dépistage de plus de gens ne règle pas ça.

«Donc il est important de réaliser que (le dépistage) ne sera pas seul, il doit faire partie d’une approche ayant plusieurs facettes.»

Le docteur Schwartzman a ajouté que le dépistage, qui peut inclure des tests de peau ou une radiographie des poumons, découvre aussi bien les cas actifs de tuberculose que les infections latentes — quand «la bactérie est endormie dans le corps des patients» et qu’ils ne sont pas contagieux; le traitement garantit qu’ils ne seront pas malades.

Si les chercheurs ne sont pas en mesure de prédire où se produiront les éclosions, a dit le docteur Schwartzman, le dépistage est économique quand on le compare au coût élevé du traitement de chaque patient, qui peut atteindre 38 000 $ et comprendre des mois d’antibiotiques et d’hospitalisation, souvent loin des populations inuites.

La tuberculose est une infection bactérienne transmise par la voie des airs qui infecte typiquement les poumons et nécessite une exposition prolongée pour se produire, selon Santé Canada.

Si on dispose d’un vaccin contre la tuberculose, l’agence fédérale estime qu’il n’est efficace qu’à environ 51 % dans la prévention de la maladie chez les adultes, ajoutant que son utilisation courante n’est pas recommandée au sein de la population canadienne.

Le docteur Schwartzman a dit que le vaccin Bacille Calmette-Guérin est plus efficace à prévenir la maladie au début de l’enfance qu’à l’âge adulte, et il est fréquemment administré dans les régions du monde où l’infection est plus courante.

L’incidence de la tuberculose au Canada compte parmi les plus faibles de la planète — et est en déclin depuis le sommet des années 1940 — mais Santé Canada dit que certains groupes demeurent à risque, notamment les populations autochtones où l’infection est prévalente, les aînés, les immigrants, les sans-abri et les gens infectés par le VIH.

Le docteur Schwartzman a dit que le taux de tuberculose a tendance à être plus élevé chez les Inuits qu’ailleurs, mais qu’il varie parmi les populations autochtones.

«Certains éléments incluent des cofacteurs sociaux, notamment le logement, a-t-il dit. Et dans certaines régions il pourra y avoir des problèmes d’accès aux soins de santé, ce qui pourra retarder le diagnostic et aggraver la transmission.»

L’association nationale qui représente les Inuits du Canada, Inuit Tapiriit Kanatami, et le gouvernement canadien ont promis en 2018 d’éradiquer la tuberculose sur les terres inuites d’ici 2030.

Le docteur Schwartzman a prévenu que la pandémie de COVID-19 a interféré avec cet objectif en perturbant «grandement» les soins liés à la tuberculose depuis vingt mois.

Plusieurs patients atteints de la tuberculose hésitaient à se rendre à l’hôpital en raison de la pandémie, a-t-il ajouté, tandis que d’autres qui présentaient des symptômes respiratoires ont probablement été dépistés à de multiples reprises pour le SRAS-CoV-2 avant de finalement recevoir un diagnostic de tuberculose.

Le docteur Schwartzman a souligné que la COVID-19 a frappé certaines communautés inuites particulièrement durement, mettant en lumière les mêmes inégalités que celles révélées par les taux d’infection à la tuberculose.

«Pour ceux qui travaillent avec la tuberculose, la COVID est du déjà vu, a-t-il dit. On pourrait dire que la COVID exploite les faiblesses de nos systèmes sociaux et de santé. C’est la même chose pour la tuberculose et c’est le cas depuis des années.»