Le gel des prestations d’aide sociale fait mal en Nouvelle-Écosse

HALIFAX — Le gel des prestations d’aide sociale en Nouvelle-Écosse malgré plus d’un an de forte inflation soulève des critiques, certains estimant que le gouvernement progressiste-conservateur est trop sévère envers les citoyens les plus pauvres de la province.

L’administration de Tim Houston a maintenu les montants d’aide sociale au niveau de 2021 dans son dernier budget qui fait de l’amélioration des soins de santé sa priorité. 

Sandra Page se demande comment le gouvernement s’attend à ce qu’elle reste en bonne santé avec un gel des prestations. 

«Je vais parfois demander de l’aide dans la rue — la mendicité — ce que je ne devrais pas avoir à faire», a-t-elle soutenu en entrevue lorsqu’on lui a demandé comment elle parvenait à payer ses frais mensuels.

La résidante de Halifax, âgée de 59 ans, a raconté qu’une blessure à la main l’empêchait de travailler et qu’elle dépendait d’une aide au revenu mensuelle de 950 $, ainsi qu’un paiement spécial d’environ 220 $ pour couvrir les besoins médicaux et diététiques d’un problème de thyroïde. 

Mais une fois le loyer payé, il lui reste peu d’argent pour acheter la nourriture saine dont sa santé a besoin, a fait valoir Mme Page.

Lori Turnbull, directrice de l’École d’administration publique de l’Université Dalhousie, comprend que le premier ministre Houston se concentre sur le recrutement de médecins et d’infirmières. 

Elle est toutefois «déconcertée» que le gouvernement ne voie pas comment le fait de laisser les taux d’aide sociale inchangés pourrait envoyer plus de personnes à se faire soigner.

«Cela semble une chose évidente pour le gouvernement (augmenter les taux d’aide au revenu). Pourquoi ce n’est pas une priorité, je ne sais pas. (…) Je ne comprends tout simplement pas», affirme-t-elle. 

L’insécurité alimentaire favorisée

Dans son analyse budgétaire annuelle, Vince Calderhead, un avocat des droits de l’homme chez Pink Larkin, avance que la décision de ne pas augmenter les taux d’aide au revenu en période de forte inflation est l’une des mesures les plus dures qu’il ait vues en 11 ans de suivi de la question.

Il soutient que depuis la dernière augmentation des taux d’aide sociale en mai 2021 — sous le gouvernement libéral précédent — l’inflation globale en Nouvelle-Écosse a augmenté d’environ 11%, un chiffre confirmé par le Conseil économique des provinces de l’Atlantique.

«L’incapacité à augmenter les taux signifie que le cabinet provincial a effectivement choisi de hausser considérablement l’insécurité alimentaire», a écrit M. Calderhead dans un courriel.

Il a calculé combien de personnes comme Mme Page tombent sous le seuil de pauvreté de 27 631 $, un chiffre basé sur la capacité de payer pour un mélange de base de biens et de services comme la nourriture, les chaussures, le transport et le logement. 

Elle et d’autres adultes célibataires vivant avec un handicap ont des revenus d’environ la moitié de ce montant, et les calculs de M. Calderhead estiment qu’avec une inflation de 3,7 % en 2023-2024, leur revenu mensuel chuterait de 37,50 $ de plus par mois en pouvoir d’achat.

Pour Sandra Page, l’inflation et le gel de ses prestations sociales l’ont forcée à acheter de la nourriture moins chère. «J’achète parfois de la nourriture en conserve. Mais la viande en conserve n’est pas aussi bonne que la viande hachée.»

Moins de nourriture fraîche affecte sa santé et l’envoie plus souvent chez le médecin, a-t-elle relaté. «Je n’ai même pas les moyens d’acheter une boîte de fruits.»

Du retard

La Maytree Foundation, un groupe de lutte contre la pauvreté basé à Toronto, a estimé qu’en 2021, il y avait en moyenne près de 28 000 cas, y compris des familles et des adultes seuls, et près de 42 800 bénéficiaires, recevant les programmes de soutien à l’emploi et d’aide au revenu de la Nouvelle-Écosse.

La fondation a déclaré que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse avaient les taux d’aide sociale les plus bas au pays en 2021.

Mohy Tabbara, conseiller politique à Maytree, a soutenu en entrevue que même si le Nouveau-Brunswick a fait de petites augmentations de l’aide au revenu dans son récent budget, «la Nouvelle-Écosse prend du retard sur le reste du pays».

M. Tabbara a noté qu’il y avait un certain nombre de soutiens ponctuels introduits l’année dernière par le gouvernement néo-écossais, comme un paiement de 150 $ par ménage pour aider à se remettre de la tempête post-tropicale Fiona. 

«Mais il s’agissait de paiements uniques et les gens l’ont perdu cette année», fait-il remarquer. 

Le gouvernement mentionne avoir certains programmes ciblés, comme un investissement de 8 millions $ pour augmenter les prestations mensuelles pour enfants de la Nouvelle-Écosse et de 100 millions $ pour offrir des remboursements pour le chauffage résidentiel.

Interrogée sur le gel des paiements d’aide sociale, la ministre des Services communautaires, Karla MacFarlane, a énuméré ces programmes du gouvernement et a réitéré le message selon lequel les soins de santé sont la priorité.

«Je pense que ce gouvernement a été très clair sur le fait que nous présentions un budget basé sur les soins de santé, et nous avons fait des investissements importants dans les soins de santé», a-t-elle déclaré vendredi.

Lori Turnbull se questionne sur cette stratégie de communication, ajoutant qu’il y a peu de preuves que laisser les citoyens les plus pauvres être victimes de l’inflation solidifie la base du parti.

«Ils ont une ligne de communication pour se concentrer sur les soins de santé. Oui, nous avons entendu cela. Mais vous êtes aussi le gouvernement, et cela signifie jongler avec plusieurs dossiers à la fois», a soutenu la directrice de l’École d’administration publique.

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