Le lobbying à Ottawa atteint des sommets, à cause de la pandémie et du brut

OTTAWA — La pandémie du nouveau coronavirus et la chute vertigineuse du prix du brut ont contribué à l’atteinte de nouveaux sommets de lobbying à Ottawa au cours des deux derniers mois.

Les statistiques fournies par le Commissariat au lobbying du Canada ont démontré que 5854 rencontres et appels téléphoniques entre des représentants du gouvernement et des conseillers externes, des dirigeants d’entreprises et des industries et des organisations avaient été enregistrés en février et mars, en hausse de 40 pour cent par rapport aux deux mois correspondants de l’année précédente.

Les règles de lobbying du gouvernement fédéral stipulent que toutes ces rencontres doivent être inscrites dans un registre public.

Les mois de février et mars 2020 ont aussi établi des records pour le lobbying par rapport aux deux mêmes mois lors des 11 années précédentes.

«Je ne crois pas que cette hausse marquée soit surprenante», a confié Robin MacLachlan, un vice-président chez Summa Strategies, une firme de relations gouvernementales située à Ottawa.

«Les acteurs du domaine sont essentiels dans l’approche du gouvernement (pour lutter contre la COVID-19)», a-t-il ajouté.

Il a souligné que la hausse du nombre de rencontres était attribuable non seulement aux organisations privées qui tentaient d’entrer en contact avec le gouvernement, mais aussi au gouvernement qui tentait d’obtenir des informations auprès des organisations privées afin de déterminer la meilleure façon de procéder pour distribuer l’aide d’urgence. De plus, selon lui, ces discussions ont permis d’identifier les lacunes des programmes d’aide ainsi que les conséquences indirectes des nombreux programmes d’aide de plusieurs milliards de dollars qui étaient annoncés à la vitesse de l’éclair.

En février, l’essentiel des rencontres pour faire du lobbying portaient sur les changements climatiques et les ressources énergétiques, deux éléments qui auraient été au coeur du budget fédéral qui devait être présenté le 30 mars. Le ministre des Finances, Bill Morneau, a cependant reporté le dévoilement du budget pour une période indéterminée après l’annonce des premières mesures de confinement du gouvernement fédéral, puis Ottawa s’est concentré uniquement sur la crise sanitaire actuelle.

En mars, le lobbying dans l’industrie énergétique s’est poursuivi sans relâche. Les discussions avec les politiciens et les officiels de Ressources naturelles Canada ont dominé ces statistiques avec quatre fois plus de rencontres pour faire du lobbying en mars 2020 par rapport au même mois en 2019, notamment à cause de la chute spectaculaire du prix du brut en raison de la guerre commerciale entre l’Arabie saoudite et la Russie. L’Association canadienne des producteurs pétroliers a requis à elle seule 28 rencontres et appels téléphoniques avec divers membres du gouvernement et de l’opposition, des membres du Conseil des ministres ainsi que des législateurs du secteur, entre les 13 et 31 mars.  

Mais la santé s’est également retrouvée à l’avant-plan, alors qu’il devenait évident que le nouveau coronavirus n’épargnerait pas le Canada.

D’ailleurs, Santé Canada a enregistré une hausse de 40 pour cent des rencontres de lobbying en février, et celles-ci ont carrément doublé en mars. La santé s’est retrouvée à l’ordre du jour de 160 rencontres en mars 2019, et de 493 en mars 2020. Il y a maintenant 69 personnes qui ont été enregistrées pour faire du lobbying en lien avec la COVID-19.

Pour sa part, Emploi et Développement social Canada a vu ces rencontres multipliées par trois en mars.

Personne ne doute, semble-t-il, de l’identité des politiciens qui pourraient influencer la réponse du gouvernement fédéral à la crise actuelle. Les contacts avec les députés ont doublé en mars, avec 680 rencontres individuelles demandées par divers conseillers, groupes de défense et entreprises. Entre-temps, les contacts avec les sénateurs ont diminué de près de la moitié, pour s’établir à 56 rencontres.

Greg MacEachern, le vice-président principal du cabinet de relations gouvernementales Proof Strategies, a mentionné que lors des deux dernières semaines du mois de mars, les entreprises et les associations industrielles étaient appelées «à éteindre des feux», alors qu’elles tentaient de s’adapter aux nouvelles directives de confinement et qu’elles tentaient d’obtenir de l’aide du gouvernement pour éviter des fermetures. 

M. MacLachlan a mentionné que les Canadiens devront s’attendre à ce que le lobbying poursuive son ascension au moins jusqu’à la fin de l’année, tandis que le gouvernement effectue la transition entre la crise et la relance à long terme — une période qui nécessitera l’implication soutenue des organisations et des entreprises à l’échelle nationale.