OTTAWA — Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, s’attend à connaître d’ici la fin de l’année les décisions finales d’investissements privés sur au moins deux nouveaux projets de production d’hydrogène dans les provinces de l’Atlantique.
Mais le ministre ajoute qu’il y a encore beaucoup d’incertitudes financières, dont plusieurs dépendent des nouveaux soutiens gouvernementaux à l’investissement privé.
Le Canada et l’Allemagne ont signé en août dernier un accord pour créer une nouvelle chaîne d’approvisionnement en hydrogène d’ici 2025.
«Il y a eu beaucoup d’activités, a déclaré M. Wilkinson dans une récente entrevue. J’espère que d’ici la fin de l’année, nous serons dans une position où nous pourrons réellement dire qu’il y a des projets qui avancent activement.»
Il s’attend à ce que les décisions d’investissement finales soient prises d’ici l’automne pour au moins deux des quatre projets envisagés en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador.
Le projet d’hydrogène de l’entreprise EverWind Fuels à Point Tupper, en Nouvelle-Écosse, a reçu ses premiers permis environnementaux de la province en février et a commencé à nettoyer des sites et à effectuer des travaux d’ingénierie.
Le PDG Trent Vichie a déclaré lundi dans une entrevue que tous les signes indiquent que la première phase d’un milliard de dollars américains se concrétisera d’ici 2025, produisant 220 000 tonnes d’ammoniac par an. La deuxième phase, un autre investissement de cinq milliards de dollars américains, augmentera la production à un million de tonnes et ajoutera un parc éolien terrestre d’ici la fin de 2026.
L’ammoniac étant plus facile à transporter, la plupart des projets de production d’hydrogène à faibles émissions visent à le fabriquer, les destinataires européens le reconvertissant en hydrogène à l’autre extrémité.
Réduire la dépendance aux combustibles fossiles
L’Europe cherche à développer massivement son utilisation de l’hydrogène afin de réduire sa dépendance aux combustibles fossiles et atteindre ses cibles en matière de changement climatique. Elle cherche également à se défaire de sa dépendance au pétrole et au gaz russes, après que la Russie a commencé à utiliser l’énergie comme levier politique lors de son invasion de l’Ukraine.
La semaine dernière, l’Union européenne a convenu d’augmenter ses objectifs en matière d’énergies renouvelables pour représenter 42,5 % de ses approvisionnements énergétiques d’ici 2030, contre 22 % auparavant. Cela améliore la demande du marché pour l’hydrogène vert, a indiqué John Risley, directeur du projet d’hydrogène World Energy GH2 proposé pour la côte ouest de Terre-Neuve.
M. Risley a déclaré que l’Est du Canada est bien placé pour l’expédition vers l’Europe, et entre le soutien du gouvernement et la demande croissante, l’industrie s’améliore d’heure en heure. «Chaque jour qui passe, il y a moins de risques», dit-il.
Le projet de GH2, Nujio’qonik, le nom mi’kmaq de la baie Saint-Georges où il est situé, vise à produire éventuellement 250 000 tonnes d’hydrogène en utilisant l’énergie de trois nouveaux parcs éoliens.
Il est actuellement en attente d’un examen environnemental de la province. Des études de mesure du vent et de sensibilisation communautaire ont déjà été entamées.
L’entreprise EverWind Fuels a signé des accords non contraignants avec deux grandes sociétés énergétiques allemandes en août, le même jour que le Canada et l’Allemagne ont signé leur propre pacte sur l’hydrogène. M. Vichie a affirmé que la transformation de ces accords en contrats réels était le prochain obstacle, et ils attendaient le budget fédéral pour voir exactement ce que le gouvernement offrirait pour aider.
La réponse: beaucoup. Un nouveau crédit d’impôt à l’investissement de 40 % pour le financement des immobilisations d’hydrogène à faibles émissions devrait coûter près de 18 milliards $ au cours des 12 prochaines années.
Le budget fédéral a également confirmé que le nouveau Fonds de croissance du Canada peut offrir des contrats sur différence — essentiellement une garantie financière aux investisseurs qu’ils obtiendront un certain prix pour leur hydrogène ou que le fonds comblera la différence.
M. Vichie estime qu’il s’agit d’un «signe très fort» de l’importance de cette industrie alors qu’on annonçait un budget plus difficile.
Selon M. Risley, les investissements permettront au Canada de rester compétitif par rapport aux États-Unis, qui ont fait d’importants investissements dans l’hydrogène dans le cadre de sa loi sur la réduction de l’inflation l’année dernière.
Hydrogène bleu, vert, gris, noir
Le ministre Wilkinson a passé la semaine dernière à une conférence sur l’hydrogène à Berlin en compagnie de plusieurs dirigeants d’entreprises canadiennes du secteur de l’hydrogène, où la nécessité de conclure des contrats sur différence est apparue clairement.
«Pour le moment, ils ne disposent pas d’une définition claire de certaines questions relatives à la demande et peut-être de la tarification de l’hydrogène ou de l’ammoniac», a indiqué M. Wilkinson.
M. Risley a fait savoir que pour l’instant, il est encore moins cher de fabriquer de l’hydrogène gris ou noir, le type extrait de combustibles fossiles, mais qui a une grande empreinte carbone. L’Agence internationale de l’énergie a déclaré qu’en 2021, 99 % de la production mondiale d’hydrogène était grise ou noire.
L’hydrogène vert des compagnies EverWind et GH2 utilisent des énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire pour séparer l’hydrogène des molécules d’eau par électrolyse. L’hydrogène vert n’a pas d’émissions, mais coûte plus cher à fabriquer, ce qui oblige le gouvernement à investir pour stimuler la production.
Éventuellement, ces coûts diminueront et l’aide du gouvernement sera moins nécessaire.
«Si vous pouvez acheter de l’hydrogène gris pour 1 $ et vert pour 1,25 $, vous allez hésiter à payer plus», a soulevé M. Risley.
L’hydrogène est principalement utilisé pour aider dans les raffineries de pétrole et pour fabriquer des engrais, du fer et de l’acier ainsi que du méthanol, un alcool utilisé dans certaines peintures, plastiques et matériaux de construction.
Dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, l’hydrogène peut jouer un rôle plus important en tant que source d’énergie pour alimenter les voitures, les véhicules lourds, les avions et les cargos, et pour remplacer le charbon et le gaz naturel comme source d’électricité.
En règle générale, un kilogramme d’hydrogène peut alimenter une voiture parcourant environ 100 km ou produire suffisamment d’électricité pour trois maisons moyennes pendant un an.
Le Canada espère également exporter de l’hydrogène «bleu», qui est fabriqué à partir de gaz naturel, mais utilise des systèmes de capture et de stockage du carbone pour contenir les émissions de gaz à effet de serre et les piéger sous terre.
L’Europe est moins intéressée par l’hydrogène bleu, mais M. Wilkinson a indiqué qu’une partie des négociations à Berlin la semaine dernière comprenait un nouveau plan pour s’entendre sur les normes d’émissions, ainsi que pour faire plus sur la route commerciale elle-même.
M. Vichie a souligné qu’il existe certains ports européens capables d’accepter des expéditions d’ammoniac, mais qu’il en faut davantage. L’Allemagne envisage de construire un terminal d’ammoniac à Hambourg, mais pas avant 2026, un an après que le Canada souhaite commencer à expédier.