Le Parti québécois lance une offensive de promotion de l’indépendance

MONTRÉAL — Un Québec indépendant traiterait plus rapidement les dossiers des demandeurs d’asile et les accueillerait normalement aux postes frontaliers, mais ne leur donnerait plus les mêmes droits que ceux dont ils bénéficient présentement.

C’est là un des éléments de promotion de l’indépendance présentés mardi par le chef péquiste, Jean-François Lisée, qui lançait à Montréal la campagne «50 + 1 réponses pour l’indépendance», une série de feuillets et de capsules vidéo visant à la fois à outiller l’argumentaire des militants et à sensibiliser l’électorat en général.

La première série de sept capsules porte sur différents sujets, dont la gestion des frontières.

On y indique qu’un Québec indépendant ne signerait pas le traité sur les tiers pays sûrs, de sorte que les demandeurs d’asile pourraient se présenter à un poste frontalier et faire leur demande sans devoir s’aventurer en pleine forêt pour éviter d’être refoulés, comme c’est le cas actuellement.

M. Lisée soutient que les délais de traitement des demandes, qui peuvent atteindre jusqu’à trois ans, sont imputables au régime fédéral.

«La Cour suprême du Canada a décidé que, dès qu’on avait le pied sur le territoire, on avait tous les droits d’un citoyen canadien», a-t-il soutenu en conférence de presse. 

Bien que cette affirmation soit inexacte — un demandeur d’asile n’a pas, par exemple, le droit de vote ou celui d’avoir un passeport canadien — les demandeurs bénéficient effectivement de nombreux recours d’appel prévus dans le droit canadien, ce qui prolonge les délais dans le cas d’un rejet initial d’une demande de statut de réfugié. 

Jean-François Lisée dit vouloir plutôt s’inspirer des pratiques d’autres pays, notamment en Europe, où les demandes d’asile sont traitées beaucoup plus rapidement. «Dans d’autres pays, on considère que les demandeurs d’asile sont des demandeurs d’asile et ne sont pas citoyens», a-t-il dit.

Pensions et pipelines

Les six autres capsules font état des avantages de l’indépendance dans différents domaines.

L’une souligne par exemple que le fait de rapatrier les taxes et impôts versés à Ottawa par les Québécois permettrait de verser sans modification les pensions de vieillesse, qui s’élèvent à environ 12,7 milliards $ par année.

Le dossier du financement de la santé y est abordé, avec une critique sur la réduction des dépenses fédérales en santé et sur le dédoublement de certaines dépenses.

Du côté de l’agriculture, le PQ accuse Ottawa d’avoir favorisé les producteurs de l’Ouest au détriment de ceux du Québec dans les négociations internationales en marchandant une hausse des exportations de boeuf de l’Ouest en échange d’une importation accrue de fromages européens, qui affecte davantage les producteurs québécois.

Une autre capsule s’attarde sur la promotion du français comme langue de travail, faisant valoir que les quelque 175 000 travailleurs québécois qui oeuvrent dans des entreprises à charte fédérale n’échapperaient plus à la loi 101, comme c’est le cas actuellement.

Enfin, les deux derniers éléments de cette campagne portent sur la protection de l’eau potable dans un cas et, dans l’autre, soulignent que même si le Québec décidait de s’opposer au projet de pipeline Énergie Est, c’est le gouvernement fédéral qui a le dernier mot et que, donc, seul un Québec indépendant peut bloquer ce projet pétrolier.

Le premier ministre Philippe Couillard n’a pas attendu le dévoilement des capsules pour réagir. Avant même la conférence de presse et la présentation de M. Lisée, M. Couillard avait balayé l’argumentaire péquiste du revers de la main.

«Moi je continue de parler au nom de la vaste majorité des Québécois qui à la fois sont attachés à leur identité québécoise et à l’appartenance canadienne, et c’est le message que je vais continuer à transmettre en leur nom», a laissé tomber le premier ministre, alors qu’il se trouvait à Saguenay pour une annonce économique mardi matin.

Cégeps anglais

M. Lisée a par ailleurs cherché à préciser sa pensée sur l’accès des francophones aux cégeps anglais.

Selon lui, les cégeps anglais existent d’abord pour offrir une éducation postsecondaire à la communauté anglophone, ce qu’il qualifie de «droit inaliénable», et non pour desservir la clientèle francophone.

«On ne va pas étendre la loi 101 aux cégeps, mais certainement il y a des façons de faire en sorte que le cégep anglophone ne soit pas un bar ouvert et extensible, qu’il réponde au besoin pour lequel il existe — c’est-à-dire la population anglophone du Québec», a-t-il précisé, ajoutant que, pour les francophones et allophones, il faut «que le besoin d’apprendre l’anglais soit satisfait au sein des cégeps francophones».

Pour y arriver, le chef péquiste estime qu’il serait donc opportun d’ajuster le financement des collèges anglais aux besoins de leur clientèle anglophone.

«Chaque année, les cégeps demandent partout au Québec des extensions. Le trésor public n’est pas sans fond. Il y a une gestion qui est à faire en fonction des besoins», a-t-il affirmé, tout en reconnaissant qu’il serait nécessaire d’améliorer l’enseignement de l’anglais dans les cégeps francophones pour arriver au même résultat que dans un collège anglophone.

Jean-François Lisée dit préférer cette approche parce que l’application de la loi 101 aux collèges aurait un «impact immédiat et direct» sur les clientèles. Cependant, ajuster le financement des collèges anglais à la clientèle anglophone, dans les faits, pourrait difficilement donner un résultat différent, là aussi à court terme.

Tout au plus le chef péquiste envisage-t-il la possibilité pour des étudiants francophones de faire une session dans un cégep anglophone pour parfaire leur maîtrise de la langue seconde et vice versa.

«Ça tient pas debout», a lancé en réaction le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, à Québec.

«Je pense qu’on a le droit d’aller (au cégep de notre choix), une fois atteint la majorité. (…) Si des jeunes adultes du Québec veulent aller au cégep en anglais, ils peuvent le faire», a affirmé le ministre.

Vote de confiance

Dans tous les dossiers, que ce soit la promotion de l’indépendance ou d’éventuelles restrictions à l’accès des francophones aux cégeps anglais, Jean-François Lisée se défend d’agir pour amadouer les membres de son parti à l’approche du congrès national du PQ, le week-end prochain.

Le leadership de M. Lisée sera alors soumis à un vote de confiance des délégués, une épreuve qui s’est avérée douloureuse dans le passé pour les Bernard Landry et Lucien Bouchard, notamment.

Jean-François Lisée, lui, dit n’avoir aucune crainte face à ce vote et, lorsqu’interrogé sur son objectif, a lancé cette boutade: «Je vous donne un chiffre: 100 pour cent… ce n’est pas ce que je vais avoir!»

Puis, il a ajouté qu’il ne voulait pas «faire de numérologie» et s’en est remis au jugement des militants. «Les militants du parti ont une maturité. Ils savent quoi faire. Ils connaissent le contexte. Je leur fais confiance», a-t-il dit.

En 2005, Bernard Landry avait surpris le milieu politique en remettant sa démission comme chef du PQ et député de Verchères après avoir recueilli 76,2 pour cent d’appuis lors d’un vote de confiance. Il avait par la suite admis avoir regretté cette décision.

Lucien Bouchard avait également été ébranlé par un vote de 76,7 pour cent lors du congrès national de 1996, peu de temps après l’échec du référendum de 1995, mais il était revenu en force, obtenant un appui de 90,9 pour cent lors du congrès de 2000.