Le père de la fillette martyre de Granby reste derrière les barreaux.
La Commission des libérations conditionnelles lui a refusé non seulement une remise en liberté conditionnelle, mais aussi une semi-liberté en maison de transition.
L’homme de 34 ans ne pourra pas revenir devant la Commission avant le mois de novembre prochain. L’individu, dont l’identité ne peut être dévoilée afin de protéger un autre enfant survivant, avait été condamné à quatre ans de pénitencier en janvier 2022 après avoir plaidé coupable à une accusation de séquestration, échappant ainsi à trois autres accusations dont celle de négligence criminelle ayant causé la mort.
Réflexion incomplète
«La Commission constate que vous n’êtes toujours pas en mesure d’expliquer la violence que vous avez choisie de déployer à l’endroit de votre fille», écrit-on dans la décision rendue publique lundi.
«Vous comprenez que les décisions que vous avez prises au moment des événements étaient « irrationnelles » et inacceptables, mais n’êtes pas en mesure d’aller plus loin dans votre réflexion. La Commission croit essentiel que vous exploriez davantage l’origine de cette violence», poursuit-on.
La fillette de sept ans était décédée en avril 2019 au lendemain de sa découverte par des policiers alors qu’elle était complètement enveloppée dans du ruban adhésif. Le père de la fillette l’avait d’abord mise sous contention de cette manière après qu’elle se fut enfuie durant la nuit pour aller se réfugier chez un voisin. Il était ensuite parti travailler le matin et c’est sa conjointe, reconnue coupable de meurtre sans préméditation, qui l’avait complètement enveloppée de ruban, incluant sur le visage, parce qu’elle s’était partiellement libérée.
Détachement émotionnel
À ce sujet, les commissaires ajoutent que «vous devrez chercher à comprendre pourquoi le lendemain matin, alors que vous étiez vous-même reposé et que la victime était calme, vous avez choisi de lui laisser ses contentions et de partir travailler. Vous devez réussir à comprendre comment vous avez pu réussir un tel détachement émotionnel.»
La décision de la Commission va ainsi à l’encontre de la recommandation de l’équipe de gestion de cas (ÉGC), qui était d’accord avec l’octroi d’une semi-liberté en maison de transition. D’ailleurs, la plupart des constats rapportés par les intervenants depuis qu’il est incarcéré sont positifs. Par exemple, côté psychologique, on note que le «risque de récidive violente est évalué à un niveau faible-modéré» et que ce risque «semble assumable dans le cadre d’une semi-liberté». Aussi, on reconnaît sa collaboration et sa motivation face aux interventions en établissement de détention, de même que l’absence de rapport disciplinaire ou d’intervention en sécurité.
«Vous reconnaissez votre responsabilité dans les gestes qui vous sont reprochés. Selon votre ÉGC, vos remords et vos regrets face au décès de votre fille sont sincères», écrit-on.
«Une grande violence»
Malgré tout, la Commission rappelle «la nature et la gravité de votre délit, alors qu’il est empreint d’une grande violence psychologique et instrumentale, et ce, à l’endroit d’une personne vulnérable que vous auriez dû protéger. Il est également préoccupant de constater que cette violence s’est déployée sur une longue période et que vous n’avez pas été en mesure d’opérer un arrêt d’agir ou d’aller chercher l’aide dont vous aviez manifestement besoin.»
«Il est également inquiétant de constater que votre conjointe, au moment des faits, avait déjà posé des gestes violents à l’égard de votre fille et que vous avez continué de faire de l’aveuglement volontaire à ce sujet, pour votre propre besoin affectif. Votre responsabilité dans les conséquences tragiques que l’on connaît est indéniable», poursuit-on.
Dépendance affective
D’ailleurs, cette question de dépendance affective revient à quelques reprises dans le rapport de la Commission, qui rappelle qu’au moment des événements, «vous étiez bien entouré par des professionnels, mais que votre désir de bien paraître vous a empêché de demander l’aide dont vous aviez réellement besoin, au bon moment», soulignent les commissaires, qui ajoutent que l’homme avait manifesté des réticences, dans l’établissement de détention, à changer de secteur «parce que vous vivez difficilement les changements et qu’il vous paraissait difficile de quitter les gens que vous aviez connus dans cette unité. (…) La Commission y voit une manifestation de votre dépendance affective; encore une fois, par insécurité et par crainte de vous retrouver seul, vous avez eu de la difficulté à vous fier à l’évaluation des intervenants qui vous entouraient et à prendre la décision logique qui s’imposait.»
Les commissaires qualifient de «risque important» cette dépendance affective: «Vous n’avez pas su démontrer que vous possédiez les outils pour bien y faire face. Il n’est pas suffisant de dire que vous ne voulez pas de conjointe, que vous voulez prendre soin de vous avant de reprendre une relation de couple et que par conséquent, vous ne vous retrouverez pas en situation de risque. La Commission estime que votre plan de prévention relève de la pensée magique.»
Dans sa conclusion, la Commission est claire: «Ainsi, à ce stade de votre peine, la Commission estime qu’il n’est pas encore opportun de vous permettre un retour dans la société. Vous n’avez pas intégré toutes les notions requises qui pourraient justifier une libération anticipée. Vous devez donc poursuivre votre travail de réflexion et d’application des outils en temps réel.»
La grand-mère paternelle de la fillette s’était présentée à l’audience de la Commission pour demander que son fils ne soit pas remis en liberté.