Le Québec engagé dans un virage vers un tourisme durable

MONTRÉAL — Découvrir une nouvelle ville en encourageant l’économie locale, en soutenant la communauté visitée, tout en limitant le plus possible les impacts de son passage sur l’écosystème ambiant: le tourisme durable a la cote, mais beaucoup reste à faire.

«On voit vraiment que le volet durable est un argument d’attractivité pour les touristes, indique la conseillère aux communications, relations publiques et médias de Tourisme Montréal, Aurélie de Blois. De plus en plus de voyageurs sont influencés par les changements climatiques et estiment que les voyages responsables sont importants.»

Voyager de façon plus responsable ne se fait toutefois pas au détriment de son confort. Une enquête menée par la Chaire en tourisme Transat-UQAM en novembre dernier concluait que seulement 26 % des voyageurs québécois avaient changé leurs habitudes pour tenir compte des changements climatiques. Vingt-deux pour cent des répondants à l’enquête avaient par ailleurs choisi un site d’hébergement ou une activité pour son caractère durable et seulement 10 % avaient payé pour rendre leurs vacances carboneutres.

«Actuellement, les consommateurs ne veulent pas faire d’effort pour rendre leur voyage plus durable, mais s’ils ont le choix entre deux offres similaires à un prix relativement équivalent, ils vont privilégier cette option, relève Marc-Antoine Vachon, titulaire de la chaire. Il est là le défi: l’industrie doit travailler pour que ces avantages se gagnent sans effort pour le consommateur.»

«On pense que dans l’avenir, les touristes vont voyager moins souvent, mais plus longtemps, pour réduire leur empreinte carbone», estime pour sa part Martin Soucy, directeur général de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec.

Il revient donc aux entreprises et aux organisations touristiques de créer une offre à la fois attrayante et durable. «Si on n’embarque pas dans le train, c’est là qu’on va perdre la clientèle, parce que plus les années avancent, plus cet élément-là compte dans la décision des consommateurs», prévient M. Vachon.

En ce sens, Tourisme Montréal a annoncé la semaine dernière avoir intégré le Conseil mondial du tourisme durable, qui «établit les normes mondiales de développement durable». L’organisme regroupant quelque 960 membres de l’industrie touristique de la métropole – restaurants, hôtels, attractions touristiques, musées et boutiques, notamment – s’est d’ailleurs classé premier en Amérique du Nord pour ses pratiques écoresponsables, selon le Global Destination Sustainability Index, en novembre dernier.

À l’été 2022, Tourisme Montréal avait lancé l’initiative Destination harmonieuse, un cadre d’intervention en tourisme durable qui vise à faire de la métropole une «destination touristique exemplaire» d’ici 2030, a indiqué Mme de Blois. «Avec nos membres, on pose différentes actions concrètes en ce sens, explique-t-elle. On offre des formations, on partage des exemples de pratiques inspirantes et on a développé un guide des pratiques écoresponsables, entre autres.»

Lentement, mais sûrement

Malgré toute la bonne volonté des acteurs de l’industrie touristique, les progrès s’effectuent à pas de tortue, indique le titulaire de la chaire, Marc-Antoine Vachon. «Il y a d’abord eu la prise de conscience du milieu de développer des pratiques, mais la prise en charge ne s’est pas faite dans les délais qu’on aurait pu espérer. On pensait que ça se serait opéré plus rapidement.»

Il donne l’exemple de certaines solutions numériques, pour lesquelles Québec a récemment investi plusieurs millions afin d’en faciliter l’implantation. «Ça fait longtemps qu’on en parle, mais dans certains cas, ça a pris la pandémie pour que ça se concrétise, par exemple pour que des organisations se mettent à prélever des paiements en ligne ou à avoir une plateforme de réservation en ligne», illustre le chercheur. 

M. Soucy estime plutôt que les entreprises touristiques devaient se remettre du coup dur porté par la pandémie avant de pouvoir entreprendre ou poursuivre un virage vers le tourisme durable.

«Il y a vraiment un intérêt de la part des entrepreneurs québécois, mais ils ont d’abord dû se sortir de leur mode de survie, remarque-t-il. Plusieurs ont déjà mis des initiatives en place et s’engagent dans la bonne direction.»

L’industrie dispose également du soutien du gouvernement provincial, alors que la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a lancé le «cri de ralliement» nécessaire pour entreprendre le mouvement de faire du Québec un chef de file en matière de tourisme durable, estime-t-il.

Déjà, la province s’est dotée d’un Plan d’action pour un tourisme durable pour soutenir les efforts de l’industrie. Le tourisme plus vert, respectueux des communautés d’accueil et prônant l’approvisionnement local est au cœur de la démarche.

«Le Québec ne part pas de rien, se réjouit M. Soucy. On a une grande richesse dans notre patrimoine et on a un côté très accueillant. Ici, on reconnaît déjà que le tourisme contribue à la vitalité économique des régions. L’expérience humaine, notre capacité à partager avec les visiteurs, c’est un élément qui va permettre au Québec de se distinguer.»

Par exemple, le touriste va accorder une valeur à la protection de l’environnement si les Québécois, comme hôtes, lui font comprendre que c’est important pour eux, juge M. Soucy.

Calculer son impact

L’impact du tourisme sur le bilan carbone du Québec n’est pas clairement défini, mentionne M. Vachon.«On ne connaît pas encore l’empreinte carbone réelle de plusieurs comportements touristiques ou procédés et l’industrie est encore en train de définir et de débattre de l’inclusion ou non de certains éléments», note-t-il.

Prenons l’exemple d’un vol en avion: la facture écologique du déplacement doit-elle être attribuée au pays de départ ou à celui qui en est la destination? C’est sans compter des initiatives en cours dont on n’a pas encore tiré de bilans.

«On ne sait pas si les stratégies ont marché, si elles ont amené quelque chose de positif, relève M. Vachon. On est encore au début du processus dans certains secteurs, mais plus avancés dans d’autres. Il faut savoir d’où on part pour pouvoir agir et ensuite mesurer l’impact de nos actions. Mais encore là, les indicateurs pour y arriver sont encore à définir dans plusieurs cas.»

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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