MONTRÉAL — Le temps des Fêtes peut être passablement compliqué pour ceux qui souffrent d’un côlon irritable, et certains iront même jusqu’à refuser des invitations pour ne pas risquer de manger quelque chose qui pourrait les rendre malades, rappelle un expert.
«On est toujours moins à l’aise quand on participe à des repas en dehors de chez soi puisqu’on n’a pas la main forcément sur le menu, a dit le docteur Michaël Bensoussan, qui est gastro-entérologue à l’hôpital Charles-Lemoyne, sur la rive sud de Montréal. Et ça, c’est valable pour tous les gens qui ont des diètes particulières.»
Les patients dont le côlon est irritable savent généralement quels aliments ils doivent éviter, a-t-il ajouté, et ils réussiront habituellement à garder le contrôle sur la situation.
Mais la situation se complique quand vient le temps de manger chez quelqu’un d’autre, sans trop savoir quels ingrédients sont entrés dans la confection des plats.
«Les lendemains peuvent être compliqués», a dit le docteur Bensoussan.
Le côlon irritable est une pathologie fonctionnelle, rappelle-t-il. Elle n’a aucun impact sur la durée de vie des patients, elle ne met pas non plus leur vie en danger, mais elle «joue terriblement sur le confort et la qualité de vie».
Souvent, les patients ne s’autorisent plus à manger hors de chez eux, question d’éviter les répercussions d’une déviation de leur diète restrictive.
«Ils évitent la socialisation, a dit le docteur Bensoussan. Beaucoup de gens qui ont un côlon irritable se désocialisent pour ne pas avoir à subir les conséquences d’une diète sur lesquels ils n’ont pas le contrôle. Et ceci ressort énormément, énormément pendant le temps des Fêtes. Donc l’enjeu psychologique du côlon irritable dans sa forme la plus sévère, il est là. Ce sont des patients qui vont rentrer dans une sorte de solitude sociale par rapport à l’intensité des symptômes.»
Ces patients prétexteront souvent des malaises ou des empêchements pour refuser une invitation, essentiellement parce qu’ils trouvent gênant et même honteux de devoir parler de leur côlon irritable.
Microbiote
Les plus récentes connaissances scientifiques concernant le côlon irritable portent sur la flore intestinale (le microbiote), non seulement en ce qui touche l’apparition initiale de la maladie, mais aussi sa durée dans le temps.
D’autres recherches portent sur le SIBO (le Small Intestinal Bacterial Overgrowth, ou syndrome d’hyperprolifération intestinale bactérienne), lors duquel les populations de certaines bactéries présentes dans l’intestin explosent.
«C’est une piste assez intéressante parce que ça se traite par antibiotiques, a dit le docteur Bensoussan. Que ce soit pour le SIBO ou que ce soit pour le côlon irritable, on a maintenant quelques recommandations d’un traitement antibiotique transitoire qui dure trois semaines et qui peut améliorer significativement certains patients.»
De nouveaux médicaments sont aussi disponibles pour traiter les principaux symptômes du côlon irritable (la constipation, la diarrhée, les ballonnements et la douleur). Il s’agit toutefois de produits qui peuvent être très dispendieux, et le docteur Bensoussan dénonce la «lutte» avec le gouvernement ou les assureurs privés pour obtenir un remboursement.
«La médecine à deux vitesses peut exister s’il y a des médicaments qui ne sont pas remboursés parce qu’ils sont considérés comme des médicaments de confort, a-t-il déploré.
«La réalité des médecins et des gastro-entérologues, c’est qu’il y a énormément de médicaments qui, certes, ne sont pas forcément des médicaments miracles, mais qui pourraient donner une (…) amélioration aux patients et que certains patients peuvent se payer eux-mêmes et que certains patients ne peuvent pas se payer.»
Quoi qu’il en soit, a dit le docteur Bensoussan, les mesures de confinement annoncées depuis une semaine par le gouvernement, et dont on a parfois l’impression qu’elles se resserrent de jour en jour, et qui ont notamment pour effet de limiter l’ampleur des rassemblements familiaux tolérés, représentent presque une bonne nouvelle pour certains patients.
«Je ne doute pas un instant que parmi vos lecteurs et vos lectrices, il y en a énormément qui sont concernés par le côlon irritable, et qui, ayant entendu qu’il n’y aurait pas de grands rassemblements, ont poussé un soupir de soulagement, a-t-il dit. Ce n’est pas une joke, c’est une réalité. Absolument.»