OTTAWA — Le vice-amiral Mark Norman prend sa retraite des Forces canadiennes après avoir conclu une «entente acceptable» avec le gouvernement, a annoncé mercredi le ministère de la Défense nationale.
Cette annonce, inattendue, survient plus d’un mois après que les procureurs de la Couronne ont suspendu l’accusation d’abus de confiance portée en mars 2018 contre le commandant en second des forces armées. La Couronne soutenait jusque-là que le vice-amiral Norman, commandant de la Marine, avait divulgué des informations confidentielles du cabinet au chantier naval Davie, de Lévis, pour sauver un contrat conclu par les conservateurs mais réévalué par les libéraux.
Lorsque l’accusation d’abus de confiance a finalement été suspendue en mai, le vice-amiral Norman avait déclaré vouloir reprendre ses fonctions, ce qui avait été bien accueilli par le chef d’état-major de la défense, le général Jonathan Vance. On se demandait aussi, par ailleurs, si M. Norman intenterait une poursuite contre le gouvernement.
Mais dans un bref communiqué publié mercredi, le ministère de la Défense nationale indique qu’«après avoir consulté sa famille, sa chaîne de commandement et son avocat, le vice-amiral Norman a décidé de prendre sa retraite des Forces armées canadiennes».
«Avec l’aide de l’honorable Warren Winkler, ancien juge en chef de la Cour d’appel de l’Ontario, les avocats représentant le gouvernement du Canada et le vice-amiral Mark Norman ont mis fin à des discussions menées en toute bonne foi, lesquelles ont eu pour résultat une entente acceptable pour les deux parties dont les détails demeureront confidentiels», indique le communiqué.
«Les deux parties croient que cette résolution permettra de recentrer l’attention sur le travail essentiel qu’accomplissent les Forces canadiennes, c’est-à-dire assurer la protection de la population canadienne dans son ensemble», poursuit-on. «Le gouvernement du Canada remercie le vice-amiral Norman de ses 38 années de service dévoué et lui souhaite bon succès dans tout ce qu’il entreprendra à l’avenir.»
Ingérence politique?
M. Norman avait été suspendu de l’armée en janvier 2017, pendant que la Gendarmerie royale du Canada menait son enquête; il avait formellement été accusé d’abus de confiance plus d’un an plus tard, en mars 2018. L’ancien commandant de la Marine, qui était vice-chef d’état-major de la défense lorsqu’il a été suspendu, a toujours clamé son innocence, tandis que ses avocats accusaient le gouvernement libéral fédéral d’ingérence politique dans cette affaire.
Alors que les libéraux ont à leur tour nié l’accusation, les conservateurs se sont emparés de l’affaire et de nombreux anciens militaires ont pris la défense du vice-amiral Norman.
Après des mois d’audiences préparatoires au procès, au cours desquelles les avocats de la défense se sont battus pour avoir accès à des milliers de pages de documents secrets du gouvernement, la Couronne a finalement suspendu l’accusation d’abus de confiance le 8 mai. Les procureurs ont expliqué que de nouvelles informations présentées par la défense ne laissaient aucune perspective raisonnable d’obtenir une condamnation.
M. Norman déclarait alors aux journalistes qu’il avait «une histoire importante à raconter, que les Canadiens voudront et devront entendre». La question est maintenant de savoir si son entente avec le gouvernement l’empêchera de parler. Si tel est le cas, cela pourrait être une bonne nouvelle pour les libéraux, hantés depuis deux ans par cette «affaire Norman».
Le procès, très chargé politiquement, devait s’ouvrir en août — et donc s’inviter littéralement dans la campagne électorale fédérale de l’automne. L’«affaire Norman» risque tout de même de refaire surface au détour de la campagne.