L’échange d’informations entre le SCRS et la GRC sur des extrémistes est très limité

OTTAWA — Des problèmes systémiques de longue date ont entravé la coopération entre le service d’espionnage et la police nationale du Canada dans le cadre d’une enquête sur une menace extrémiste, selon un nouveau rapport d’un organisme de surveillance de la sécurité.

Dans ses conclusions, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) signale des problèmes chroniques de partage de l’information entre le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

L’organisme de surveillance a examiné la façon dont le SCRS et la GRC collaborent pour enquêter sur les extrémistes établis au Canada, bien que les détails de la menace spécifique aient été supprimés de la version publique du rapport.

L’un des principaux points de friction est l’éternelle crainte que l’utilisation d’informations du SCRS dans le cadre de poursuites pénales ne mette en danger les sources et méthodes secrètes du service d’espionnage.

La version fortement caviardée de l’examen de février 2021 de l’agence indique que les communications officielles d’informations du SCRS à la GRC sur l’affaire des extrémistes «ont été limitées et n’ont pas toujours été utiles».

«La communication ou l’utilisation des renseignements du SCRS n’a pas fait beaucoup avancer les enquêtes de la GRC», peut-on lire dans le document.

Selon le rapport, la nécessité de protéger les sources et les méthodes d’espionnage complique, et peut même compromettre, les poursuites potentielles.

Connue sous le nom de problème du «passage du renseignement à la preuve», cette compréhension commune guide les actions du SCRS et de la GRC, note l’organisme de surveillance.

«Lorsqu’il a examiné les cas précis où le SCRS et la GRC ont discuté de la possibilité de communications officielles d’informations à la GRC, l’OSSNR a noté une tendance générale à la réticence», peut-on lire dans le rapport.

«Un Canadien ordinaire serait en droit de s’étonner face à un système dans lequel un organisme gouvernemental à Ottawa accumule une multitude de renseignements sur une menace, tandis que de l’autre côté de la ville un autre organisme gouvernemental – celui qui est chargé d’enquêter et d’arrêter les présumés criminels – ne reçoit pas ces renseignements ou ne croit pas qu’il peut les utiliser le plus souvent. Il est sûrement possible de faire mieux.»

Dans l’ensemble, l’Office de surveillance a constaté que les deux organismes avaient fait «peu de progrès» dans la lutte contre la menace faisant l’objet de l’enquête. L’OSSNR a recommandé que le SCRS et la GRC élaborent une stratégie conjointe dotée de ressources suffisantes pour faire face aux activités criminelles liées à la menace.

Selon le rapport, bien que les conclusions soient spécifiques à l’enquête sur l’extrémisme, l’organisme de surveillance n’avait aucune raison de croire que l’enquête était atypique, ce qui signifie que l’examen «donne un aperçu de l’état plus général des relations entre les deux organismes».

Le cadre actuel qui guide les efforts du SCRS et de la GRC, «Une Vision 2.0», n’a pas permis de résoudre les questions fondamentales liées au problème du passage du renseignement à la preuve et «des améliorations s’imposent», conclut l’Office de surveillance.

Une étude de la relation entre le SCRS et la GRC réalisée en 2019, le «Projet d’amélioration des opérations», a formulé des dizaines de recommandations pour favoriser une meilleure collaboration.

Dans une réponse écrite au dernier rapport, le SCRS et la GRC disent soutenir les efforts en cours pour apporter les changements nécessaires afin d’améliorer la coopération et le partage d’informations.

Ils affirment qu’à la suite de l’examen d’amélioration des opérations, les discussions entre le SCRS et la GRC sont plus fréquentes et ont lieu plus tôt dans le processus, ce qui a réduit le chevauchement des efforts.

Le service d’espionnage et la GRC ont également convenu de mettre en place des systèmes de communication sécurisés compatibles afin de pouvoir se parler en toute sécurité de renseignements classifiés.

Le SCRS et la GRC restent déterminés à mettre en œuvre les recommandations de l’examen de l’amélioration des opérations ainsi qu’à introduire «Une Vision 3.0», a indiqué mardi John Townsend, porte-parole du SCRS.

«Ce travail complexe, cependant, est en cours et des défis subsistent, en particulier en ce qui concerne la question des renseignements et des preuves. Ces défis importants nécessiteront une approche pangouvernementale afin d’être relevés.»