L’ENFFADA réclame de profondes réformes juridiques et dénonce un «génocide»

OTTAWA — L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) recommande de profondes réformes juridiques. Ses commissaires demandent notamment que les services de police établissent des protocoles normalisés pour garantir que tous les cas rapportés fassent l’objet d’une enquête approfondie.

Elles demandent aussi la création de délais d’intervention normalisés en cas de disparition de personnes autochtones et pour les actes de violence contre des femmes et des filles autochtones.

Le rapport d’enquête, qui doit être rendu public lundi au cours d’une cérémonie à Gatineau, au Québec, est le résultat d’un examen mené pendant plusieurs années par des commissaires à qui il était demandé de rechercher les causes systémiques de la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones et de formuler des recommandations en vue de régler ce problème.

Les commissaires exhortent aussi tous les acteurs du système judiciaire — y compris les services de police — à établir des relations de travail respectueuses avec les peuples autochtones «en comprenant et en respectant les personnes qu’ils servent».

Elles recommandent un examen et une révision de toutes les politiques, les pratiques et les procédures afin d’assurer une prestation de services adaptée aux cultures. Ces mesures ne devraient refléter aucun parti pris ou aucun racisme à l’égard des peuples autochtones, pourra-t-on lire dans le rapport.

Au cours de l’enquête, les représentants des services de police ont reconnu les «torts historiques et persistants» qui continuent d’affecter les familles des Premières nations, métisses et inuites. Ils ont reconnu aussi la nécessité de changer le mode de fonctionnement des services de police non autochtones et autochtones.

Le rapport conclut que la violence coloniale, le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones sont désormais ancrés dans la vie de tous les jours, ce qui a entraîné la normalisation de la violence au sein des peuples autochtones.

La société canadienne, en revanche, montre une «apathie effroyable» face au problème, ce qui, selon le rapport, équivaut à un «génocide».

Le cabinet de la ministre des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, Carolyn Bennett, a refusé de commenter le contenu du rapport divulgué. La ministre devrait s’exprimer lundi sur le sujet.

Les familles des victimes obtiendront enfin les réponses qu’elles recherchaient depuis plusieurs décennies, a ajouté le cabinet.

Au cours d’une entrevue réalisée la semaine dernière, Mme Bennett a souligné que la nécessité de veiller à ce que les familles des victimes et les survivantes ne soient pas laissées pour compte avait toujours pesé. Elle a ajouté que la publication du rapport final n’était pas l’ultime étape de ce dossier.

«On ne peut pas entendre ces histoires, on ne peut participer à une cérémonie sans savoir ce que l’on doit faire pour empêcher cela, a-t-elle dit. Il y a trop eu de souffrance. Ce régime existe depuis longtemps. On doit simplement remercier les personnes qui ont commencé à exercer des pressions pour que cela cesse.»

La publication officielle du rapport représentera un moment de grande émotion pour les familles des victimes, les survivantes et les organisations de défenses des droits qui ont réclamé pendant des années la tenue d’une enquête.

En 2005, l’Association des femmes autochtones du Canada a créé une base de données. Cinq ans plus tard, elle publiait un rapport recensant 582 femmes autochtones disparues et assassinées.

En 2014, la GRC avait indiqué que ce nombre de victimes s’élevait à 1200 de 1980 à 2012.

Selon le rapport d’enquête, «personne ne connaît le nombre exact» des victimes, malgré tous les efforts déployés pour rassembler des informations sur le sujet.