VAL-D’OR, Qc — L’observatrice indépendante des relations entre les policiers et les Autochtones, Me Fannie Lafontaine, constate que le racisme systémique est toujours bien présent au sein des corps policiers au Québec. Son second rapport a été rendu public jeudi.
Me Lafontaine affirme que depuis novembre 2015, date à laquelle des jeunes femmes autochtones avaient dénoncé les mauvais traitements subis aux mains de policiers de la Sûreté du Québec du secteur de Val-d’Or, plus de 200 Autochtones, hommes et femmes, ont porté plainte contre des policiers au Québec.
Me Lafontaine s’est penchée plus particulièrement sur 61 de ces plaintes, dont une quarantaine touchent les régions de la Côte-Nord, du Nord-du-Québec et de l’Abitibi-Témiscamingue.
Sur les 61 dossiers, seulement quatre ont mené à des accusations contre les policiers. Me Lafontaine note également que les délais de traitement sont très longs pour les victimes, qui sont souvent peu informées de la progression de leur dossier. Ainsi, elle émet 25 recommandations dans son rapport, qui visent toutes à rétablir le lien de confiance entre les Premières Nations et les services de police.
Me Lafontaine recommande, entre autres, d’améliorer la représentativité des policiers autochtones au sein du Bureau d’enquêtes indépendantes, et d’obliger le BEI à rédiger un rapport quand le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) décide de ne pas porter d’accusations.
Des progrès insuffisants
Dans la phase 2 de son rapport, Me Lafontaine constate que le travail d’enquête, de façon générale, est effectué selon les règles de l’art, mais qu’il y a encore des progrès à faire pour que la situation soit acceptable.
«Si des changements positifs liés aux enquêtes sur la police lorsque la victime est autochtone sont survenus depuis la crise de Val-d’Or en 2015, le système mis en place ne s’est pas encore adapté aux recommandations des commissions d’enquête visant la redéfinition des façons de faire entre l’État et les Autochtones, rapporte Me Lafontaine. Or, les enjeux de violence et d’impunité policières font partie des raisons de la création de ces commissions et sont sans aucun doute les plus représentatifs de la violence coloniale, du racisme systémique et de la marginalisation des perspectives et savoirs autochtones qu’elles ont documentés.»
L’APNQL applaudit et appelle à l’action
Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, a salué le travail rigoureux de Me Lafontaine, qui selon lui illustre fidèlement les enjeux qui minent la qualité des relations entre les membres des Premières Nations et les policiers.
«Ce rapport est une démonstration sans équivoque du phénomène que l’on désigne comme le racisme systémique, affirme Ghislain Picard. Et même si le gouvernement refuse d’utiliser cette expression, il ne peut pas faire fi du constat et de la justesse des recommandations de Me Lafontaine.»
La cheffe de la communauté de Lac-Simon, en Abitibi, Adrienne Jérôme, a salué la qualité exceptionnelle du rapport de Me Lafontaine. Elle rappelle que toute l’affaire découle des révélations d’un petit groupe de femmes Anishinabeg à l’émission Enquêtes, de Radio-Canada, en 2015.
Elle ajoute que la partie n’est pas encore gagnée pour les femmes autochtones.
«Les femmes des Premières Nations ont droit à la sécurité, à la protection et elles ont droit à la justice, indique Mme Jérôme. Elles ont le droit fondamental d’être respectées par les policiers, le système de justice et l’ensemble des services publics.»