Les hôpitaux préparés aux dépens des foyers de soins de longue durée en Ontario

Les foyers de soins de longue durée de l’Ontario ont été négligés alors que la province concentrait ses efforts sur les hôpitaux au début de la pandémie de COVID-19, selon ce qu’a récemment appris une commission d’enquête indépendante.

Lors de la première vague du virus, la flambée de cas s’est pourtant déclarée dans ces foyers pour aînés, où l’équipement de protection individuelle était insuffisant, où le port du masque n’était pas imposé uniformément et où les médecins refusaient parfois d’entrer par crainte d’être infectés.

Lors d’un témoignage livré à la fin du mois de septembre, des médecins de l’organisation à but non lucratif Ontario Long-Term Care Clinicians (OLTCC) ont expliqué à quel point ce secteur était mal préparé à la propagation de la maladie. 

Les travaux de la Commission ontarienne d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée ne sont pas ouverts au public, mais les transcriptions des séances et réunions sont mises en ligne avec quelques jours de délai.

«Lors de la première vague, nous n’avions pas compris que la poussée des cas se produisait dans les soins de longue durée», a déclaré la Dre Evelyn Williams, ancienne présidente de l’organisation.

Tandis que les hôpitaux comptaient des lits vides, les foyers de soins de longue durée «ne pouvaient pas vraiment s’occuper de tous ceux qui étaient malades parce qu’ils n’avaient pas le personnel et ils ne pouvaient pas déplacer les gens», a-t-elle déploré.

La COVID-19 a fait des ravages dans les foyers de soins de longue durée en Ontario, tuant plus de 1950 résidents lors de la première vague de la pandémie.

Les données provinciales montrent que les éclosions se multiplient encore une fois dans ces établissements à mesure que la deuxième vague progresse.

La commission, présidée par le juge en chef adjoint de la Cour supérieure Frank Marrocco, doit se pencher sur la propagation du virus dans le réseau de soins de longue durée, puis formuler des recommandations.

La Dre Rhonda Collins, médecin en chef pour l’entreprise Revera qui est propriétaire de plusieurs établissements de soins de longue durée partout en Amérique du Nord, a déclaré devant la commission que de nombreux foyers avaient pour consigne de garder leurs résidents hors des hôpitaux autant que possible afin d’y libérer de l’espace.

Cette décision s’est avérée un arrêt de mort lorsque des dizaines de foyers se sont retrouvés submergés par le virus, selon les informations présentées aux commissaires.

Des médecins ont indiqué que les établissements de soins de longue durée avaient d’abord suivi les directives initiales de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils surveillaient donc des symptômes de fièvre, de toux et d’essoufflement.

Le port du masque universel a seulement été recommandé après qu’il eut été révélé que le virus pouvait être transmis par des personnes asymptomatiques, a souligné la Dre Collins.

«Il avait déjà été mis en oeuvre dans le secteur des soins actifs. Les membres du personnel aussi n’étaient testés que s’ils étaient symptomatiques.»

Il s’avère, avec recul, que les établissements n’étaient pas à l’affût des bons symptômes, s’est-elle désolée.

«Nous en sommes venus à découvrir que, en particulier dans notre population, les symptômes atypiques consistent en des choses comme le délire, la fatigue, l’anorexie et, dans notre personnel, des maux de tête, des douleurs musculaires, de la fatigue et des choses comme la perte du goût et de l’odorat, des choses que nous n’attendions pas et que nous ne surveillions certainement pas», a-t-elle relaté.

Les foyers de soins de longue durée ont également dû composer avec le refus de certains médecins de s’y rendre, tandis que d’autres établissements devaient les refouler, faute d’équipement de protection individuelle, a-t-elle ajouté.

Les foyers ne disposaient pas de matériel en quantité suffisante, car il était redirigé vers les hôpitaux, a appris l’enquête.

Les directives venant de divers organismes médicaux à l’intention du secteur des soins de longue durée semblent également avoir fait défaut.

Si l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario ainsi que l’Association médicale de l’Ontario ont tâché d’orienter les médecins de famille, aucun conseil n’a été prodigué à ceux du secteur des soins de longue durée, selon la Dre Collins.

Les pénuries de personnel, qui posaient déjà problème avant que la COVID-19 ne frappe, ont été exacerbées, a-t-elle également relevé.

Le Dr Fred Mather, président de l’OLTCC et directeur médical de la maison Sunnyside, à Kitchener, dit avoir su faire face à une éclosion en avril en transférant des patients vers des hôpitaux locaux, qui fonctionnaient à 60% de leur capacité.

«Ils avaient donc des lits, a-t-il expliqué. Et dans l’établissement où je travaille, nous avons transféré environ 60 résidents dans quatre hôpitaux locaux et la capacité était là.»

Le juge Marrocco a demandé aux médecins ce qu’ils suggéreraient aux foyers de soins de longue durée s’ils devaient déplacer leurs résidents, mais que les hôpitaux étaient envahis lors de la deuxième vague.

Le Dr Mather a répondu que certaines unités utilisées pour de courtes hospitalisations demeurent disponibles en raison de la pandémie. Selon la Dre Collins, cependant, une plus grande coordination s’impose — et il faut faire vite — pour trouver d’autres options.