Les indépendantistes de la Saskatchewan, une force politique en pleine ascension

Des candidats indépendantistes de droite ont obtenu de bons scores dans certaines circonscriptions rurales de la Saskatchewan aux élections de lundi, et des experts estiment que cela devrait envoyer un signal d’alarme au Parti saskatchewanais du premier ministre Scott Moe.

Le Parti Buffalo a présenté des candidats dans 17 des 61 circonscriptions de la province et a recueilli près de 3 % du total des suffrages exprimés lundi, à l’exclusion des bulletins de vote postaux qui n’ont pas encore été comptés.

Bien qu’ils n’aient pas réussi à gagner des sièges, les candidats du Parti Buffalo ont dépassé ceux du Nouveau Parti démocratique par des marges considérables dans les circonscriptions d’Estevan, Cannington, Cypress Hills et Kindersley.

«Nous avons accompli plus au cours des trois derniers mois que quiconque ne nous en a jamais donné le crédit, et tout le monde est extrêmement heureux et satisfait», a déclaré le chef Wade Sira, qui obtenu une lointaine troisième place dans sa circonscription au nord de Saskatoon.

En juillet, la formation autrefois connue sous le nom de Wexit Saskatchewan — le terme Wexit, inspiré du mouvement britannique Brexit, fait référence aux aspirations indépendantistes d’une partie des électeurs de l’Ouest canadien — a changé de nom pour devenir le Parti Buffalo et a choisi Wade Sira, un préfet municipal, comme chef.

M. Sira a expliqué que son parti voulait que la Saskatchewan établisse avec le gouvernement fédéral une relation semblable à celle du Québec avec Ottawa, ce qui permettrait à sa province de prendre le contrôle de l’immigration, des services de police, des régimes de retraite et de la réglementation des armes à feu, notamment.

«Nous ne nous considérons pas comme des séparatistes. Nous nous considérons comme des souverainistes», a affirmé M. Sira en entrevue avec La Presse Canadienne mardi. «Nous devons être traités sur un pied d’égalité au Canada, et non comme une colonie.»

Le Parti saskatchewanais de Scott Moe a été réélu de manière décisive aux élections de lundi, bien que certains sièges chaudement disputés ne puissent pas être attribués jusqu’à ce que les bulletins de vote par correspondance soient comptés.

M. Moe a reconnu dans son discours de victoire que certains électeurs avaient voté pour le Parti Buffalo pour exprimer leur frustration à l’égard d’Ottawa.

«Et à ces électeurs, je veux dire: je vous entends. Et je veux dire que ce gouvernement vous écoute», a dit M. Moe. «Nous partageons vos frustrations et nous partageons plusieurs de vos objectifs. Nous ne sommes pas non plus satisfaits du gouvernement fédéral.»

Le populisme conservateur de l’Ouest

Un certain populisme conservateur alimenté par la colère envers Ottawa et par la crainte d’un gouvernement omnipotent couve en Saskatchewan et en Alberta depuis la réélection du premier ministre libéral Justin Trudeau l’automne dernier.

Lisa Young, professeure à l’École de politiques publiques de l’Université de Calgary, estime que cela représente un défi pour M. Moe et pour le premier ministre albertain Jason Kenney, et plus particulièrement pour le second, en raison de la force du Nouveau Parti démocrate albertain dirigé par Rachel Notley.

«Mais si le NPD de la Saskatchewan parvient à se rétablir et à être plus populaire, ce sera le même problème pour M. Moe», avertit Mme Young. «Il y a un risque que les votes à droite se divisent, et c’est là que les gouvernements conservateurs peuvent avoir des problèmes lors des élections.»

Trois partis indépendantistes de droite ont uni leurs forces en Alberta plus tôt cette année: le Parti de la liberté conservatrice, le Wexit Alberta et le Wildrose.

Le premier ministre Kenney, du Parti conservateur uni, a répondu par un non catégorique lorsqu’on lui a demandé, lors de l’assemblée générale annuelle de son parti le week-end dernier, s’il soutiendrait le mouvement séparatiste albertain.

Mme Young croit que le premier ministre de la Saskatchewan adoptera une position semblable à celle de son homologue de l’Alberta.

Greg Poelzer, politologue à l’Université de la Saskatchewan, estime que M. Moe se trouve à la croisée des chemins: il doit choisir entre être «un petit homme de l’Ouest» ou «un grand homme de l’Ouest», pour reprendre les mots du fondateur du Parti réformiste, Preston Manning.

Le premier aura tendance à se replier sur sa base et à protéger les seuls intérêts de sa province, tandis que le second construira des ponts et jouera un rôle constructif dans la fédération canadienne, explique M. Poelzer.

«Si le Parti Buffalo n’était pas là, s’il n’existait pas du tout, je pense que le premier ministre aurait plus de marge de manœuvre.»

Selon M. Poelzer, le premier ministre Moe aurait intérêt à prendre ses distances avec le Parti Buffalo et à ne pas se laisser tirer vers la droite — à la fois pour le bien commun et pour empêcher un éventuel rival centriste d’émerger sur sa gauche.

«Cela demande beaucoup de courage car c’est beaucoup plus facile, surtout après une victoire massive et une victoire très décisive, d’emprunter l’autre voie.»