OTTAWA — Une nouvelle étude sur la manière dont les forces de l’ordre traitent les cas de violence contre les femmes dans l’Arctique canadien conclut que les Inuites sont victimes de «profilage racial policier systémique».
Le rapport publié jeudi par l’organisme Pauktuutit, en collaboration avec la professeure de sociologie et de criminologie à l’Université du Manitoba Elizabeth Cormack, en appelle à un changement de la culture policière sur le territoire traditionnel appelé l’Inuit Nunangat.
Des entrevues ont été menées auprès de 45 femmes inuites et presque autant de responsables offrant des services à la population dans les quatre régions formant l’Inuit Nunangat, soit l’Inuvialuits dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Nunavik dans le nord du Québec et le Nunatsiavut dans le nord du Labrador.
L’étude s’intéresse à la réponse des policiers dans des cas de violence conjugale, tandis que des femmes inuites affirment souvent ne pas être prises au sérieux lorsqu’elles portent plainte.
La présidente de Pauktuutit, Rebecca Kudloo, souligne que le problème «va bien au-delà de quelques agents qui entretiennent des préjugés sur les Inuits».
Selon le rapport, le fait que les agents ne soient que de passage dans certaines communautés, en plus de leur méconnaissance de l’inuktitut, encourage leur perception en tant qu’étrangers et alimente une méfiance généralisée à leur égard.
«La police peut réagir plus efficacement à la violence genrée en adoptant une »approche décoloniale » qui aide les agents à s’intégrer davantage dans les communautés nordiques qu’ils desservent plutôt que d’être vus comme une force extérieure», fait valoir Mme Kudloo.
Un total de 15 recommandations, formulées dans le document, réclament notamment un important changement de culture au sein des forces policières afin que celles-ci s’adaptent aux traditions et à l’histoire des régions dans lesquelles elles opèrent. On demande aussi une présence accrue de femmes policières et d’employés civils inuits.
Les femmes du Nunavut sont la cible de crimes violents à un taux plus de 13 fois supérieur à celui des femmes dans l’ensemble du Canada. Selon les chiffres cités par le rapport, elles sont également 12 fois plus susceptibles d’être agressées sexuellement que dans les autres provinces et territoires.
Les femmes inuites interviewées dans le cadre de cette récente étude ont également dit se sentir victimisées par les protocoles policiers lorsqu’elles dénonçaient de la violence.
La Gendarmerie royale du Canada a déclaré jeudi qu’elle ne pouvait pas réagir aux conclusions du rapport puisqu’il vient d’être publié. Une porte-parole a néanmoins évoqué des mesures adoptées en lien avec la violence fondée sur le genre, comme une formation en ligne qui sera rendue disponible dans les prochaines semaines pour enseigner aux agents comment traiter les victimes de traumatismes avec sensibilité.
Le rapport n’a pas manqué de rappeler le contexte historique de la violence contre les femmes inuites, arguant que cette violence a souvent été exacerbée ou même perpétrée par des agents de la GRC, qui ont été impliqués dans le déplacement des Inuits vers des établissements permanents et vers des pensionnats.
Ces conclusions font écho à celles de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), très critiques à l’égard des relations entre la GRC et les peuples autochtones. Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il présenterait son plan d’action national en réponse à l’ENFFADA d’ici le mois de juin.