Les manifestants illégalement arrêtés réclament des excuses plus sincères

MONTRÉAL — La mairesse de Montréal, Valérie Plante, et son chef de police Fady Dagher doivent s’excuser publiquement et de vive voix pour les atteintes aux droits des manifestants qui ont été illégalement arrêtés lors de manifestations tenues entre 2011 et 2015.

Les représentants des milliers de requérants qui ont récemment obtenu gain de cause contre la Ville et ses policiers en Cour supérieure, sont outrés de voir que les excuses auxquelles la Ville a consenti sont pratiquement introuvables sur le site web de la municipalité. Ils rencontraient les médias, mardi, pour réclamer des excuses publiques de Mme Plante et M. Dagher et une publication plus évidente sur le site de la Ville plutôt que ce geste qu’ils qualifient d’«excuses à rabais».

«Je suis amère», a déclaré Sophie Vallée-Desbiens, illégalement arrêtée lors d’une manifestation le 1er mai 2103.

«Ces excuses sont extrêmement difficiles à trouver sur le site web de la Ville, ce qui, à mon avis, ne respecte pas l’esprit du jugement.

«J’ai l’impression que même mon fils de 5 ans est capable de s’excuser avec plus de sincérité que l’administration municipale et le service de police l’ont fait jusqu’ici. Quand on présente de vraies excuses, on le fait en pleine lumière et non en catimini.»

Droits bafoués

Mme Vallée-Desbiens, infirmière et enseignante en soins infirmiers, avait été prise en souricière par des policiers brandissant et frappant leurs boucliers avec leurs matraques puis arrêtée avec tous les autres manifestants présents à cet endroit. Le groupe avait été détenu, n’avait pas pu téléphoner à des avocats, avait été entassé dans un autobus de la STM sans eau, nourriture ou même la possibilité d’aller aux toilettes pour finalement être «déporté», selon l’expression de la requérante, à un bout de la ville où il n’y avait pas d’accès au transport en commun. Toute l’intervention était marquée de diverses atteintes aux droits fondamentaux des manifestants.

Des excuses difficiles à trouver

Le règlement à l’amiable entériné par le juge Martin Sheehan en février dernier prévoit le versement de 6 millions $ aux manifestants injustement arrêtés par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et la publication d’excuses par la Ville.

Ces excuses ont effectivement été publiées sur le site web, mais se trouvent dans un lien PDF sur la page des Services juridiques, elle-même inaccessible directement de la page d’accueil. Non seulement faut-il trois opérations pour les trouver, mais il faut aussi savoir par quel chemin passer pour s’y rendre.

Pour Sandrine Ricci, arrêtée illégalement le 15 mars 2013, la mairesse Plante a là une occasion d’être à la hauteur de ses prétentions politiques. «C’est complètement inconcevable qu’une mairesse qui se dit progressiste ne reconnaisse pas publiquement les torts qui ont été causés. (…) On s’attend quand même à ce qu’il y ait une reconnaissance plus évidente et plus sincère que ce qu’on a eu.»

Gazouillis d’excuses

La mairesse n’a pas tardé à réagir; à défaut d’une sortie publique, Valérie Plante a utilisé le réseau social Twitter pour gazouiller que «le droit de manifester est fondamental et nous le défenderons (sic) toujours».

«C’est pourquoi je réitère les excuses de la Ville de Montréal envers les personnes qui ont manifesté en 2012 et dont les droits ont été brimés par l’ancien règlement P6, abrogé par notre administration.»

Mme Plante ajoute que «l’entente qui a été conclue avec les victimes de l’ancien règlement P6 témoigne de notre engagement à défendre leurs droits fondamentaux».

La mairesse doit rencontrer les médias mercredi.

Plus de 3000 requérants

L’entente, intervenue à l’issue de près d’une décennie de démarches juridiques, visait pas moins de 16 actions collectives entreprises contre la Ville et son corps de police, représentant plus de 3000 requérants ayant été au nombre des manifestants visés par des arrestations de masse en vertu du règlement P-6 adopté par l’administration de Gérald Tremblay lors des manifestations étudiantes du printemps érable de 2012.

Environ 25 % de la somme servira à défrayer les frais d’avocat et les manifestants doivent recevoir 1500 $ chacun.

Les articles interdisant le port du masque et obligeant la remise de l’itinéraire aux policiers avant une manifestation avaient été invalidés en 2016 par la juge Chantal Masse de la Cour supérieure et l’administration Plante avait mis ce règlement au rancart en 2019. Le SPVM ne procède d’ailleurs plus à des arrestations de masse depuis 2015.

Changements attendus

La suite préoccupe également beaucoup les requérants. Sophie Vallée-Desbiens dit avoir toujours peur de manifester. Il en va de même pour Isabel Matton, une éducatrice en petite enfance, arrêtée le 20 mai 2012, qui a été traumatisée par l’expérience. «Ce soir-là, j’ai craint pour ma sécurité. J’ai été aveuglée par le poivre de cayenne; j’ai respiré des gaz lacrymogènes pour la première fois; j’ai entendu une bombe assourdissante exploser juste à côté de moi. J’avais peur.»

Pour Marcel Sévigny, un requérant appréhendé le 7 juin 2012, il faut que les corps policiers prennent acte de la dénonciation qu’a faite le juge Sheehan de leurs pratiques abusives. «Au-delà de notre demande d’excuses, on s’attend et on voudrait que la Ville de Montréal, la mairesse et le service de la police nous indiquent comment ils vont agir maintenant pour mettre en pratique les recommandations du juge Sheehan que la police modifie ses comportements au niveau des manifestations.»

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