Les mesures de distanciation physique représentent un défi pour les non-voyants

Les mesures de distanciation physique mises en place un peu partout au sein de la société canadienne doivent, en principe, servir de bouclier contre à la COVID-19. Pourtant, Nick D’Ambrosio ne se sent pas protégé.

Maintenir une distance de deux mètres est un défi pour l’homme de 49 ans, qui a perdu presque toute sa vision et qui circule maintenant avec une canne blanche.

Or, ni cet accessoire ni la vision qui lui reste suffisent à lui permettre de garder une distance sécuritaire d’autres personnes, que ce soit dans la pharmacie de la région de Montréal où il remplit des étagères depuis 22 ans, soit lors de sorties pour faire des courses essentielles.

De plus, M. D’Ambrosio doit parfois solliciter l’aide visuelle d’autres personnes — augmentant du coup le risque d’exposition au coronavirus — afin de respecter d’autres mesures proactives, comme l’installation de distributeurs de désinfectant pour les mains ou de marques sur le plancher pour gérer l’affluence dans les espaces publics.

M. D’Ambrosio se considère chanceux de compter sur le soutien de collègues et d’êtres chers pour l’aider à réduire les risques qu’il court, mais les nouvelles barrières ajoutent une dimension d’anxiété pour les non-voyants au pays.

«J’ai eu peur pendant une bonne partie de ma vie et je ne veux plus avoir peur, a déclaré M. D’Ambrosio lors d’une entrevue téléphonique. Mais est-ce que l’anxiété subsiste en moi à certains moments? Je vous mentirais si je disais non.»

Bien que la COVID-19 fasse des dégâts qui sont ressentis partout dans la société, de plus en plus de gens insistent sur l’impact du virus sur les personnes handicapées à travers le monde.

Dernièrement, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres, a demandé aux gouvernements d’apporter une plus grande attention aux besoins uniques de leurs citoyens handicapés.

«Les personnes aux prises avec un handicap font partie des gens les plus durement touchés par la COVID-19, a déclaré M. Guterres dans un communiqué. Ils sont confrontés à un manque d’information en santé publique, à d’importants obstacles pour mettre en pratique des mesures hygiéniques de base et à des établissements de santé inaccessibles. S’ils contractent la COVID-19, plusieurs d’entre eux sont susceptibles de développer de sévères problèmes de santé, qui pourraient causer la mort.»

Les Canadiens aux prises avec une perte de vision font partie de ceux ressentant les plus disproportionnées issues du virus et des mesures visant à en protéger les citoyens, selon un récent sondage commandé par le Conseil canadien des aveugles (CCA).

Le questionnaire en ligne, qui a été répondu par plus de 500 personnes non-voyantes, malvoyantes et sourdes-aveugles, a identifié de nombreuses sources d’inquiétude touchant presque tous les aspects de la vie quotidienne.

Près de la moitié des répondants ont affirmé ne pas se sentir en sécurité lorsqu’ils quittent leur domicile depuis le début de la pandémie, en grande partie à cause de la difficulté à observer les protocoles de distanciation sociale ou de l’incapacité des gens en santé à maintenir une distance sécuritaire.

D’autres sources d’inquiétude incluent l’accessibilité aux sites de dépistage de la COVID-19, la capacité à utiliser le transport en commun de façon sécuritaire, une plus grande vulnérabilité financière et les effets néfastes accrus de l’isolement social sur la santé mentale.

Louise Gillis, présidente du CCA, affirme que des Canadiens ont été la cible de mépris parce qu’ils ont, involontairement, transgressé les mesures de santé publique qu’il leur est difficile d’observer.

Dans la majeure partie des cas, mentionne-t-elle, les peurs de la communauté sont les conséquences d’enjeux systémiques qui existaient déjà, mais qui sont maintenant exacerbés par la COVID-19.

«Nous semblons plus vulnérables quand quelque chose se produit», dit-elle.

Le sondage du Conseil a permis de découvrir qu’une sensibilisation de la population et des messages plus efficaces venant de tous les niveaux gouvernementaux sont nécessaires pour limiter les effets et les répercussions de la COVID sur la population aux prises avec une perte de vision.

M. D’Ambrosio est d’accord, et il ajoute que les défis uniques que lui et ses paires doivent affronter ne pourront pas être éternellement ignorés.

«En ce moment, nous en sommes aux premières étapes et les choses changent quotidiennement. Alors, je ne sais pas s’il s’agit de la nouvelle norme, je ne sais pas si ça va durer … mais éventuellement, nos droits devront être entendus.»