OTTAWA — Les Canadiens déployés en Lettonie seront aux premières loges, ce mois-ci, pour assister aux exercices militaires menés par la Russie aux portes de l’Europe — de grandes manoeuvres qui agacent les membres de l’OTAN et qui inquiètent dans certains pays d’Europe de l’Est.
Les exercices «Zapad» («ouest» en russe), prévus pendant une semaine à compter du 14 septembre, seraient les plus importants que Moscou a menés depuis la fin de la guerre froide, il y a un quart de siècle.
Ce sont aussi les premiers exercices de cette ampleur à être menés depuis que l’OTAN a décidé de déployer quatre brigades en Europe de l’Est, afin de prévenir toute nouvelle agression russe, après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et le soutien apporté par Moscou aux forces rebelles dans l’est de l’Ukraine. Le Canada commande l’une de ces brigades multinationales, en Lettonie, composée de militaires provenant de pays alliés de l’OTAN — Albanie, Espagne, Italie, Pologne et Slovénie.
Les responsables ne prévoient pas d’incidents ou d’accrochages avec les Russes, mais ils ont demandé aux milliers de militaires de l’OTAN déployés dans cette région — notamment les 450 Canadiens actuellement en Lettonie — d’ouvrir l’oeil et de signaler les mouvements suspects.
Ces exercices énervent en tous cas dans certains pays d’Europe de l’Est: la Pologne a annoncé cette semaine qu’elle fermait pendant un mois son espace aérien à la frontière avec le Bélarus, une république qui participe aux exercices de Moscou.
L’ambassadeur de Lettonie au Canada, Karlis Eihenbaums, admet que ses compatriotes sont inquiets mais qu’ils tentent «de garder leur calme et de mener une vie normale». Les Russes «tentent de jouer avec nos nerfs», estime M. Eihenbaums, qui compare Moscou à l’intimidateur du voisinage.
Atmosphère de méfiance
À l’Alliance atlantique (OTAN), on adopte le ton mesuré de la diplomatie militaire: on reste «vigilant et alerte», mais on demeure «calme». Le porte-parole des Forces armées canadiennes, Jay Janzen, estime tout de même qu’au-delà des exercices militaires, «le non-respect (de la Russie) pour la souveraineté de ses voisins», notamment en Ukraine, en Géorgie et en Moldavie, a créé une atmosphère de méfiance.
Et ce qui n’arrange rien: Moscou a refusé que des observateurs internationaux soient présents lors de ces exercices — si ce n’est que de façon très limitée. La Russie est pourtant signataire d’un traité international qui prévoit que tout exercice qui impliquerait plus de 13 000 militaires doit permettre la présence d’observateurs étrangers.
On ignore le nombre de militaires qui participeront à ces vastes manoeuvres «Zapad»: l’OTAN parle de 60 000 à 100 000, alors que la Russie soutient qu’elle mènera simultanément plusieurs exercices impliquant chacun moins de 13 000 militaires. Moscou a invité pendant une journée une poignée d’observateurs internationaux — qui seront toutefois limités dans leurs déplacements, ce qui ne respecterait pas le traité international, selon l’OTAN.
En plus de déployer 450 militaires en Lettonie, Ottawa a aussi envoyé dans la région quatre chasseurs CF-18 pour patrouiller le mois prochain dans l’espace aérien au-dessus de la Roumanie; le Canada maintient par ailleurs une frégate canadienne dans la région depuis des années, dans le cadre de sa participation aux activités de l’OTAN.