Les militaires se battent avec le froid pour fournir de l’eau potable à Iqaluit

IQALUIT, Nunavut — Une rivière qui se fige en octobre, des tuyaux qui gèlent et des températures arctiques font partie de la vie quotidienne des Nunavummiut, mais pas des Forces armées canadiennes.

Ces défis posés par le froid polaire compliquent la tâche des militaires chargés de déployer un système temporaire de traitement des eaux. Une technologie précédemment employée pour venir en aide aux populations d’Haïti, après le séisme de 2010 et des Philippines.

Iqaluit se trouve en état d’urgence depuis le 12 octobre lorsque la présence d’hydrocarbures a été détectée dans un réservoir de l’usine d’eau potable. Les citoyens ne peuvent donc plus consommer l’eau du robinet depuis un mois. 

La municipalité croit que la contamination provient d’un ancien déversement dans le sol, près de l’usine, qui aurait infiltré le système d’aqueduc.

Une délégation de 24 militaires est arrivée à Iqaluit le 23 octobre à la demande du gouvernement du Nunavut, mais le système temporaire installé par les soldats n’a pu être mis en marche que mardi.

Le sergent Matthew Dimma a confirmé que c’est la première fois que cette technologie est utilisée à une latitude aussi élevée.

«Des tuyaux qui gèlent, aux pompes qui gèlent, aux valves qui gèlent, tout est grandement affecté par le froid», a-t-il partagé lors d’un entretien pendant une visite des installations mercredi.

Le système utilise la technologie d’osmose inversée pour éliminer les contaminants. On pompe l’eau de la rivière Sylvia Grinnell, tout près de la ville d’Iqaluit, afin de la traiter, de la pressuriser et de la faire circuler dans une série de filtres.

L’eau est ensuite conservée dans des tentes chauffées, dans des poches de 11 000 litres qui ressemblent à d’immenses lits d’eau, avant d’être redistribuée par les camions-citernes municipaux.

«On a dû briser la glace. On a dû pomper l’eau dans les poches, chauffer les poches et traiter l’eau pour la rendre potable», a expliqué le sergent Dimma.

Il assure que l’eau est propre à la consommation et qu’il n’est pas nécessaire de la faire bouillir. Mardi, les militaires ont distribué 22 000 litres d’eau aux gens d’Iqaluit.

Jusqu’à tout récemment, les citoyens allaient chercher de l’eau à la rivière eux-mêmes, mais devaient la faire bouillir. Ils consommaient aussi de l’eau embouteillée livrée par avion par le gouvernement du Nunavut et d’autres organismes.

Selon le sergent Dimma, le système déployé à Iqaluit a été conçu pour fonctionner à des températures extérieures de plus de quatre degrés Celsius. Ces jours-ci, à Iqaluit, il fait environ -15 degrés Celsius.

Son équipe a donc dû briser la glace qui recouvre la rivière pour puiser l’eau en profondeur. Les tuyaux ont aussi dû être changés au fur et à mesure qu’ils gèlent.

Une fois en marche, le système peut pomper 500 litres d’eau à la minute et remplir une citerne de camion en une trentaine de minutes.

Des stations de distribution d’eau ont été installées à deux endroits de la ville pour permettre aux citoyens d’aller chercher l’eau dont ils ont besoin.

L’accès à l’équipement constitue un autre important défi pour les militaires à Iqaluit. La majorité des pièces de rechange doivent être acheminées par avion, ce qui entraîne des délais.

Cette mission pourrait toutefois s’avérer bénéfique pour l’armée canadienne, de l’avis de Matthew Dimma. L’expérience acquise à Iqaluit pourrait effectivement permettre de développer un système adapté au froid du Grand Nord.

Les militaires devaient rester en poste à Iqaluit jusqu’à mercredi prochain, mais ils pourraient demeurer sur place au besoin. 

La municipalité a toutefois rapporté que ses plus récentes analyses d’eau indiquent qu’elle est propre à la consommation. Un rapport plus complet sur la qualité de l’eau du système d’aqueduc a été transmis au ministère de la Santé du Nunavut.

Une firme spécialisée a été mandatée par le ministère pour analyser le rapport et une décision devrait être prise pour statuer si l’eau courante peut être consommée à nouveau. 

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Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.