MONTRÉAL — Environ un autre tiers des clients d’Hydro-Québec qui étaient sans électricité depuis la tempête de verglas ont été rebranchés au réseau au cours de la journée de vendredi. Mais il restait encore des centaines de milliers d’abonnés privés de courant en fin de soirée.
Vers minuit, la société d’État rapportait que 306 792 de ses clients étaient toujours plongés dans le noir, les pannes étant principalement concentrées à Montréal (197 993), en Montérégie (36 297), en Outaouais (30 024) et à Laval (29 851).
«Plus de 400 000 clients ont retrouvé l’électricité aujourd’hui, ce qui s’ajoute aux 400 000 d’hier», a indiqué sur Twitter Hydro-Québec, vendredi en fin de soirée.
La société d’État avait rétabli le courant pour environ 70% des 1,1 million de foyers qui étaient affectés par une panne au plus fort de la crise.
En point de presse vendredi après-midi, le premier ministre François Legault a affirmé que l’«objectif chez Hydro-Québec (est) que ce soir, à peu près 80 % des résidences vont être rebranchées, et d’ici demain soir (samedi), 95 %».
Ces objectifs pour rétablir le courant voulaient ainsi dire qu’environ 220 000 foyers n’auraient pas encore l’électricité samedi, puis 55 000 de dimanche à lundi. C’est ce qu’avaient laissé entendre les responsables d’Hydro-Québec depuis le Centre de contrôle du réseau d’Hydro-Québec de Montréal, vendredi en fin de matinée.
Hydro-Québec prévoyait qu’un nombre très restreint de nouvelles pannes pourraient potentiellement survenir, car les vents allant jusqu’à 75 km/h prévus vendredi risquaient en effet de porter le coup de grâce à certaines branches déjà affaiblies par le verglas.
Aussi, le nombre de pannes pouvait quand même augmenter au fur et à mesure qu’on découvre de nouveaux problèmes sur le réseau. Depuis jeudi, environ 1400 pannes s’étaient rajoutées, a fait remarquer Régis Tellier, le vice-président opérations et maintenance de la société d’État.
Hydro-Québec doit faire le point sur la situation samedi matin vers 9h. Elle compte déployer plus de 1400 personnes pour poursuivre les efforts de rebranchement à la veille de Pâques.
Un deuxième décès
M. Legault était de passage vendredi à Les Coteaux, en Montérégie, au lendemain du décès d’un résidant causé par la chute d’une branche dans la municipalité.
Un second décès a été constaté vendredi, après qu’un homme de 75 ans a été retrouvé inconscient dans sa résidence de Saint-Joseph-Du-Lac.
Il y avait «une génératrice qui fonctionnait dans le garage», a indiqué Jean-Philippe Labbé, inspecteur aux enquêtes à la Régie de police du Lac des Deux-Montagnes. Les pompiers ont évalué qu’il y avait «vingt fois plus» de dioxyde de carbone dans l’air que la norme, a-t-il précisé. Le décès de l’homme a été constaté à l’hôpital de Saint-Eustache.
Le ministre québécois de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, s’était rendu à Laval, en après-midi, pour «rencontrer les Lavallois touchés» en compagnie du ministre responsable de la région Christopher Skeete et du maire Stéphane Boyer.
«Nous sommes très satisfaits de la gestion de la crise par Hydro-Québec», a-t-il soutenu.
Sur Twitter, cependant, des internautes ont commencé à s’impatienter, interpellant la société d’État pour connaître le moment où ils seront rebranchés. Connus pour leurs formules parfois amusantes, les modérateurs du compte d’Hydro-Québec ont adopté un ton plus solennel dans les circonstances.
«Nous sommes désolés si vous êtes toujours en panne. Nous n’oublions personne et l’ampleur de la tâche est présentement considérable. Nous mobilisons toutes les ressources disponibles et nécessaires au rétablissement du service», a mentionné la société d’État.
Dégâts importants
Un nombre important de branches — et même des arbres complets — sont tombées sous le poids de la pluie verglaçante à de nombreux endroits.
Le ministre Fitzgibbon a enjoint à la prudence, rappelant que certaines branches peuvent encore tomber et que les fils brisés peuvent causer des électrocutions. «On n’a pas à émonder nous-mêmes», a-t-il dit, ajoutant que «les barbecues sont mieux en dehors qu’en dedans». L’utilisation d’un appareil comme un barbecue dans un espace fermé peut causer une intoxication au monoxyde de carbone, ce gaz inodore et souvent mortel.
Lors d’une conférence de presse jeudi, M. Legault avait indiqué que la situation n’était pas assez grave pour décréter l’état d’urgence ou réclamer l’aide de l’armée.
«C’est une urgence, on s’en occupe», a expliqué le premier ministre depuis le centre de contrôle du réseau d’Hydro-Québec, à Montréal.
«Étant donné que c’est concentré dans le Grand Montréal et en Outaouais, on est même capables de demander à des équipes des autres régions de venir nous aider», a-t-il ajouté.
Il n’est donc pas question «pour l’instant» d’avoir recours à l’aide des militaires. Plus tôt jeudi, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, sur le terrain à Montréal, avait indiqué que l’armée serait disponible au besoin.
La Ville de Châteauguay, en Montérégie, a cependant déployé des mesures d’urgence pour venir en aide à ses résidants sinistrés, puisque ses citoyens étaient privés d’électricité par milliers et que des centaines de résidences étaient aux prises avec des refoulements d’égout.
Vendredi matin, la municipalité a indiqué par voie de communiqué que seulement 3150 foyers étaient encore privés d’électricité, par rapport aux 16 000 de jeudi. «Le niveau de la rivière est stable», a-t-elle annoncé. À 14h30, le site d’Hydro-Québec indiquait qu’il y avait 1230 clients privés d’électricité dans la municipalité.
À Montréal et ailleurs, des centres d’hébergement d’urgence temporaires ont été ouverts dans la nuit de jeudi à vendredi pour permettre à la population privée d’électricité de se réchauffer en attendant le rétablissement de la situation.
Un réseau à renforcer
Interrogé sur l’importance de rendre le réseau électrique plus résilient, le premier ministre Legault a souligné la difficulté d’enfouir toutes les lignes du Québec, ce qui coûterait selon lui «100 milliards $».
Il a toutefois convenu que certaines améliorations seraient nécessaires, surtout avec l’accroissement de la fréquence des événements météorologiques extrêmes à cause de la crise climatique. Par exemple, «à des endroits où c’est plus à risque, on pourrait enfouir». Il y a aussi «une nouvelle technique où on installe des fils au-dessus des fils, et quand les branches tombent, elles frappent ces fils-là plutôt que les fils où il y a de l’électricité».
Le ministre Fitzgibbon a tenu à souligner que, contrairement à la crise du verglas de 1998, le réseau stratégique d’Hydro-Québec n’a pas été affecté, alors que les pannes touchent uniquement le système de distribution: «la sécurité énergétique n’est pas en cause».
Il a aussi rappelé qu’Hydro-Québec a investi «125 millions $ cette année seulement pour le contrôle de la végétation».