Les proches d’un militant mexicain assassiné contestent le refus d’Ottawa d’enquêter

OTTAWA — La famille et les partisans d’un militant mexicain assassiné après avoir dénoncé le projet d’une mine canadienne contestent devant la Cour d’appel fédérale la décision du Commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada de ne pas enquêter sur l’affaire.

Lors d’une audience devant la Cour d’appel fédérale, lundi, ils ont argué que le commissaire avait la compétence d’ouvrir une enquête en raison d’allégations selon lesquelles des responsables canadiens à Mexico n’auraient pas respecté les politiques fédérales concernant la protection des militants pour les droits de la personne.

Du côté du gouvernement fédéral, les avocats ont répliqué qu’il n’y avait aucune raison de justifier une révision de la décision du commissaire de clore le dossier.

Après avoir écouté les arguments des parties pendant plusieurs heures, la cour a mis son jugement en délibéré. Une décision devrait donc être rendue ultérieurement.

Cette affaire remonte à 2007 quand la mine Blackfire Exploration Ltd., dont le siège social se trouve à Calgary, a ouvert une mine de barytine dans le Chiapas, au Mexique. Le projet a déclenché une mobilisation d’opposants locaux qui ont organisé des manifestations et ont érigé une barricade sur la route menant à la mine.

Après avoir été agressé physiquement et menacé de mort pour avoir mené le mouvement militant contre les impacts environnementaux et sociaux de la mine, l’activiste Mariano Abarca a été abattu chez lui, à l’extérieur de sa maison, en novembre 2009.

Les autorités du Chiapas ont mis fin au projet de mine le mois suivant.

Des membres de la famille de M. Abarca et des organismes militants inquiets des abus commis par l’industrie minière ont soumis des informations au commissaire à l’intégrité, Joe Friday, en 2018. Ils lui demandaient d’enquêter pour déterminer si des gens à l’ambassade canadienne au Mexique avaient pu commettre des gestes répréhensibles.

Ils ont plaidé que les politiques fédérales exigent que les ambassades canadiennes fassent la promotion de la responsabilité sociale des entreprises et évaluent les possibles impacts sur les droits de la personne, incluant la violence.

Ils ont argué que l’ambassade n’avait jamais enquêté au sujet des sources de tension entre la communauté et la mine Blackfire et qu’elle n’avait jamais mené d’évaluation d’impact sur les risques d’actes de violence.

De plus, des membres de la famille de Mariano Abarca ont aussi mis de l’avant le fait que l’ambassade était intervenue auprès des autorités mexicaines pour défendre le projet de la mine Blackfire, sans jamais soulevé d’inquiétudes au sujet de la sécurité de M. Abarca ni de l’importance du respect des valeurs démocratiques comme la liberté d’expression.

En avril 2018, Joe Friday a rendu sa décision en concluant qu’il n’avait trouvé aucune preuve de mauvaise conduite ni de gestes répréhensibles posés par des membres de l’ambassade dans leurs interactions avec la mine Blackfire. M. Friday a aussi déterminé que l’ambassade n’avait pas ignoré les inquiétudes au sujet du respect des droits de la personne, soulignant qu’après l’arrestation de M. Abarca par les policiers, en 2009, l’ambassade s’était informée au sujet de sa détention.

Le juge de la Cour fédérale Keith Boswell a conclu, il y a deux ans, que le commissaire avait pris une décision raisonnable en choisissant de ne pas enquêter davantage sur l’affaire puisque selon lui, l’ambassade n’avait commis aucune faute.

Devant la Cour d’appel fédérale, lundi, l’avocat de la famille Nicholas Pope a soutenu que la décision du commissaire était déraisonnable.

Selon lui, M. Friday n’a pas tenu compte des preuves qui lui ont été présentées et a failli à considérer les conséquences dramatiques. Il aurait aussi effectué une interprétation déraisonnable du seuil nécessaire pour déclencher une enquête.

«Peu importe le niveau de discrétion dont dispose un décideur, ses conclusions doivent toujours être tirées à partir des preuves qui lui sont présentées. Et leurs conclusions doivent être justifiées par les raisons que ces preuves lui donnent», a-t-il déclaré.