Les syndicats inquiets du manque de préparation du plan de retour à l’école

MONTRÉAL — Les mots «graduel», «prudence» et «collaboration» semblent être les éléments les plus importants du plan de retour à l’école et en service de garde selon les syndicats, qui dénoncent un manque de transparence et de préparation du gouvernement Legault.

Que l’on s’adresse aux éducatrices en garderies, aux enseignants ou aux chauffeurs d’autobus scolaires, bon nombre de ces travailleurs restent craintifs face à l’idée de retourner au travail dès le 11 mai.

«Un enseignant, c’est un citoyen et on a programmé les gens à rester à la maison depuis six semaines», résume la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), Josée Scalabrini.

Elle précise que de nombreux enseignants ont hâte depuis plusieurs semaines déjà de retourner en classe, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

À la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), on se fait encore plus catégorique en déclarant qu’il n’est pas question de retourner en classe sans équipement de protection.

«Le directeur de la santé publique a reconnu aujourd’hui qu’il se peut que des adultes, au moment où les écoles vont rouvrir, attrapent le virus et il se peut même que certains en meurent. Et il ajoute qu' »on va regarder ça ». Bien je m’excuse, mais on va regarder ça avant», promet le président de la FAE, Sylvain Mallette.

À la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), on reconnaît aussi que de nombreuses éducatrices en service de garde sont craintives de retourner au travail.

«Comme la plupart des Québécois, elles ne se sentent pas prêtes pour un retour en communauté avec tout le monde. Je pense que l’équipement de protection va les rassurer. Les deux semaines qu’on a avant la réouverture vont aussi aider les travailleuses à ce que l’idée fasse son chemin», espère la vice-présidente de la FSSS-CSN, Lucie Longchamps.

Elle souligne aussi que la distanciation physique n’est pas réaliste en service de garde quand on a «des nez à moucher et des couches à changer».

De nombreuses interrogations

S’il y a une chose de certaine à la suite des annonces du premier ministre François Legault et de ses ministres de l’Éducation, Jean-François Roberge, et de la Famille, Mathieu Lacombe, c’est qu’il reste énormément de travail à faire d’ici deux semaines.

Combien d’enfants vont retourner à l’école ou à la garderie? Comment va-t-on faire respecter les ratios maximums de 15 élèves? Comment va-t-on évaluer les élèves?

À la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation (FPPE), on se demande comment on peut offrir des services d’orthophonie ou de l’accompagnement aux élèves qui ont un trouble de l’autisme à plus de deux mètres ou sans protection.

Le président de la FPPE, Jacques Landry, s’inquiète aussi pour ses membres qui desservent parfois jusqu’à dix écoles et qui pourraient eux-mêmes propager le virus d’un établissement à l’autre.

Autant à la FSE qu’à la FAE, on se demande comment les groupes d’élèves seront divisés si les classes sont pleines. Les élèves iront-ils à l’école un jour sur deux? Accueillera-t-on la moitié des enfants le matin et l’autre l’après-midi?

Bon nombre de ces questions auraient pu être réglées si les enseignants avaient été consultés, croit Sylvain Mallette. Mais ceux-ci ont été tenus à l’écart.

Josée Scalabrini précise que les syndicats ont participé à des tables de travail, mais que jamais aucun scénario de réouverture ne leur a été présenté ni aucune date d’ailleurs.

Manque de transparence

Pour la Fédération autonome de l’enseignement, le manque de transparence du ministère de l’Éducation vient grandement affecter le lien de confiance en vue de coordonner une reprise des activités scolaires.

«Vendredi matin, j’ai parlé au ministre de l’Éducation, révèle Sylvain Mallette. Et jamais il ne m’a dit qu’il déposerait un plan (lundi) à 15h30.

«Je lui ai demandé d’avoir accès à un briefing technique. Il m’a répondu qu’il trouvait la demande légitime, mais il l’a déposé sans que l’on ait accès au briefing», déplore le président de la FAE qui représente environ 45 000 enseignants.

Sylvain Mallette reproche aussi au ministre Jean-François Roberge de ne même pas avoir attendu les recommandations de ses propres comités avant d’agir. Pas moins de 14 comités travaillent actuellement sur divers enjeux dont l’évaluation des apprentissages et la formation à distance.

Par ailleurs, les syndicats déplorent l’hypocrisie du gouvernement qui, selon eux, veut transformer les écoles en grande garderie pour permettre aux parents d’aller travailler.

Ils rappellent que le premier ministre a d’abord brandi l’importance de l’immunité collective face au virus avant de se rétracter. Puis, on se rabat maintenant sur l’importance pour la santé mentale et la sécurité des enfants de retourner à l’école, mais juste pour les plus petits.

«Comme si la violence à la maison arrêtait parce qu’on arrive au secondaire», ironise Sylvain Mallette.

Des chauffeurs d’autobus à risque

Pas moins de 54 % des chauffeurs d’autobus sont âgés de plus de 60 ans et 14 % d’entre eux ont plus de 70 ans. Pour certains, ce n’est pas un simple panneau protecteur qui va les rassurer. Eux aussi veulent obtenir l’assurance d’être protégés par un masque, des gants et du liquide désinfectant.

Stephen Gauley, président du secteur transport scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics, rappelle que les chauffeurs doivent parfois intervenir auprès des enfants.

Il s’inquiète aussi pour la santé financière de ses membres qui ont été mis au chômage depuis le début de la crise sanitaire. M. Gauley voudrait que les chauffeurs touchent leur plein salaire et que le retour au travail puisse se faire sur une base volontaire.