L’industrie des diètes continue de croître malgré l’élan de la positivité corporelle

MONTRÉAL — Même si on valorise de plus en plus que tous les corps sont beaux, peu importe s’ils répondent aux standards de beauté de la société, l’industrie des diètes amaigrissantes continue d’engendrer des profits records. 

Le mouvement de la positivité corporelle a pris de l’ampleur au cours des dernières années, prônant notamment l’acceptation de soi et une représentation de tous les types de silhouettes dans les médias. 

Selon Karine Gravel, docteure en nutrition, le marché de l’amaigrissement ne cible pas réellement les personnes qui ont un poids élevé, mais plutôt les gens qui sont insatisfaits de leur poids, même si ceux-ci ont un poids moyen ou même un poids insuffisant. «Ça cible toutes les personnes insatisfaites», dit-elle. 

Selon des données de l’Association pour la santé publique du Québec, 60 % des adultes au Québec «ont fourni des efforts pour maintenir leur poids ou perdre du poids dans la dernière année. Parmi ces personnes, 72 % rapportent qu’elles ne sont pas à leur première tentative de perte de poids. Pour le quart d’entre elles, la première tentative remonte avant l’âge de 18 ans.»

L’association soulève aussi que 30,5 % des jeunes au secondaire ayant un «poids normal» souhaitent être plus minces. 

Ces chiffres font écho à la pression qui existe dans notre société pour être mince. Encore aujourd’hui, malgré les discours contre la grossophobie, on associe la minceur à la réussite, la beauté et la santé, a fait valoir Mme Gravel. 

«On sait que ce n’est pas vrai, mais c’est quand même ce qu’on nous fait miroiter beaucoup. L’industrie de l’amaigrissement va profiter de cette vulnérabilité», indique Mme Gravel.

D’un point de vue santé, elle souligne que plusieurs facteurs qui influencent notre poids sont hors de notre contrôle, comme la génétique. Même les régimes qui ont l’air inoffensifs peuvent avoir un impact néfaste sur la santé. «Il y a des personnes qui peuvent par exemple développer un trouble alimentaire avec une diète qui nous paraît bien raisonnable», illustre-t-elle. 

Une industrie toujours croissante 

L’essor du mouvement qui encourage la diversité des corps ne semble pas avoir eu d’impact significatif sur l’industrie des diètes amaigrissantes, qui connaît elle aussi une croissance.

Pourtant on aurait pu croire le contraire lorsque l’entreprise québécoise Pharmalab, qui fabrique entre autres des produits protéinés utilisés comme complément dans le cadre de diète, a déclaré faillite la semaine dernière. 

La populaire compagnie WW International (anciennement Weight Watchers), reconnue pour son programme de gestion du poids, a elle aussi quelques difficultés. Elle a enregistré des revenus de 223,9 millions $ pour le quatrième trimestre de 2022, en baisse de 15,5 % comparativement à la même période l’an passé. 

Mais ces exemples ne prouvent pas que la culture des diètes est en déclin. Au contraire, l’industrie de l’amaigrissement est très lucrative, souligne un rapport de 2021 de l’Association pour la santé publique du Québec. 

Il montre que cette industrie a rapporté 176 milliards $ US en 2017 à l’échelle mondiale et selon ses prévisions, ce chiffre pourrait s’élever à 246 milliards $ US pour l’année 2022. 

Il existe en effet un grand bassin de la population qui a le désir de perdre du poids et est insatisfait de son poids, affirme Mme Gravel. «Je pense que ce n’est pas quelque chose qui décline et qui va un jour se terminer», commente-t-elle. 

Des diètes qui «se déguisent»

L’experte en nutrition constate que l’industrie de l’amaigrissement s’adapte pour vendre ses diètes. Avec des revenus faramineux, des sommes importantes sont investies dans la publicité pour contacter directement son public cible. 

La nutritionniste définit une diète comme toute approche qui a pour objectif de perdre du poids. «Avec les années, je me rends compte que les diètes amaigrissantes se déguisent. On leur donne toutes sortes de noms comme des programmes, des protocoles, modes de vie, recadrage ou art de vivre, énumère-t-elle. Ça devient plus complexe pour les gens.»

De plus, bien que vouloir perdre du poids soit souvent encouragé, dire qu’on est à la diète est parfois moins bien vu, remarque Mme Gravel. Donc, les entreprises vont utiliser d’autres moyens pour vendre leurs régimes. 

«Juste par les stratégies que l’industrie de l’amaigrissement utilise, on voit que ça se transforme. (…) C’est adapté pour nous vendre le fait que c’est une façon de prendre soin de nous, mais quand on regarde plus loin, l’objectif, c’est de perdre du poids», explique Mme Gravel. 

Elle constate aussi que les entreprises qui font la promotion des diètes se tournent de plus en plus vers les médicaments. 

«Présentement, par rapport à la perte de poids, on est peut-être moins dans les diètes, mais il y a quand même un nouveau marché qui se développe, (celui) des médicaments. Il y en a beaucoup qui sont en voie d’être homologués, on voit que cet aspect-là bouge beaucoup», affirme-t-elle. 

En tant que nutritionniste, elle adopte une approche axée sur la santé, mais pas sur le poids. Son but est d’améliorer la relation des gens avec la nourriture et leur corps. 

Elle a bon espoir que les approches sans diètes vont continuer de s’accroître au cours des prochaines années. Déjà, elle s’intéressait à ces approches il y a une dizaine d’années, alors qu’elle débutait son doctorat en nutrition. 

«Ce n’était pas un sujet dont on parlait ni de la grossophobie. On remettait moins les diètes en question qu’on le fait maintenant», dit-elle. 

La popularité des diètes augmente, certes, mais les approches qui ne visent pas la perte de poids aussi. 

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