L’officier responsable de l’enquête sur la tuerie en Nouvelle-Écosse témoigne

HALIFAX — L’officier supérieur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) responsable de l’enquête sur la tuerie de masse de 2020 en Nouvelle-Écosse affirme qu’il «allait de soi» qu’il ne fallait pas dévoiler des informations sur les armes utilisées par le tueur neuf jours après le carnage.

Le surintendant principal Darren Campbell a témoigné lundi devant la commission d’enquête publique qui doit faire la lumière sur les événements survenus les 18 et 19 avril 2020, où 22 personnes ont péri sous les balles d’un tireur qui se déplaçait dans une réplique de voiture de police.

Selon des notes personnelles de M. Campbell, qui ont été présentées comme preuves plus tôt lors de l’enquête, la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, aurait été déçue que les détails sur les armes ne soient pas dévoilés. Toujours selon les notes du policier, Mme Lucki était déçue parce qu’elle avait promis au bureau du premier ministre fédéral que les détails seraient divulgués, en lien avec des «projets de loi sur le contrôle des armes à feu».

À Ottawa, les notes du surintendant principal ont poussé les partis d’opposition à accuser le gouvernement libéral de s’être ingéré dans une enquête de la GRC dans le but d’en tirer un gain politique.

Darren Campbell a témoigné devant les commissaires qu’il avait beaucoup d’expérience dans les enquêtes pour meurtre et qu’il n’était pas question pour lui de dévoiler au public les armes que possédait le tueur, Gabriel Wortman.

Certains experts en contrôle des armes à feu ont affirmé que M. Campbell et la police ont été trop discrets sur la nature des armes, suggérant que cela n’aurait pas eu d’impact significatif sur l’enquête.

Toutefois, M. Campbell a assuré lors de son témoignage que divulguer des détails sur les armes semi-automatiques, comme leur couleur, leur type, leur numéro de série, leur calibre et leurs accessoires, aurait pu nuire à l’enquête criminelle.

Il a indiqué avoir consulté les autres enquêteurs impliqués dans cette affaire et que ceux-ci approuvaient la décision de ne rien dévoiler concernant les armes.

«Pour moi, ça allait de soi», a mentionné le surintendant lundi.

«Nous étions neuf jours après les événements des 18 et 19 avril. Plusieurs corps policiers étaient encore impliqués dans l’enquête dans le but de comprendre ce que Gabriel Wortman avait fait et de déterminer le rôle de toute personne qui aurait pu l’aider d’une manière ou d’une autre», a expliqué M. Campbell.

L’officier a rappelé que les policiers peuvent valider la crédibilité d’un témoin en le confrontant avec des détails, comme le calibre de l’arme, pour voir s’il peut corroborer les informations connues seulement des personnes impliquées.

Il a également souligné que si quelqu’un avait avoué avoir aidé Gabriel Wortman à obtenir les armes, les policiers auraient pu utiliser leurs informations pour vérifier si ces aveux étaient véridiques, ce qu’ils n’auraient pas pu faire si les détails étaient connus de tous.

M. Campbell n’a finalement jamais révélé les détails concernant les armes. Ceux-ci ont fait surface uniquement en novembre 2020, quand le National Post les a obtenus par le biais d’une demande d’accès à l’information.

Communication défaillante lors de l’opération policière

Le surintendant principal Campbell a été impliqué dans cette affaire dès les premières opérations policières qui ont eu lieu le soir du 18 avril 2020, soit lorsque le tueur a fait ses premières victimes à Portapique. Il est demeuré aux commandes des opérations le lendemain alors que le tueur poursuivait son carnage jusqu’à ce qu’il soit abattu par des agents.

M. Campbell a notamment approuvé le déploiement d’un commandant des interventions critiques sur les lieux à 22h46 le premier soir. Il est ensuite resté en contact avec les agents de la GRC sur place.

L’avocate de la commission, Rachel Young, a questionné l’officier de la GRC à propos du fait qu’il a fallu sept heures avant que les policiers rencontrent deux témoins oculaires d’une fusillade. Elle a aussi voulu en savoir plus sur ce qui a poussé la GRC à indiquer publiquement que le véhicule du tireur n’était pas identifié comme étant une voiture de police, même si un témoin l’avait décrit comme une voiture de la GRC.

Le surintendant a reconnu que la communication aurait pu être meilleure lors des premières heures de l’intervention, ajoutant être favorable à un système dans lequel les agents chargés de superviser les interventions lors d’une fusillade de masse pourraient revoir et réécouter les déclarations des témoins, plutôt que de se fier à leur mémoire.

M. Campbell, qui a été promu comme surintendant principal depuis la tuerie, a dirigé l’enquête de la GRC sur les événements, en plus de s’être fait porte-parole du corps policier lors de nombreux points de presse durant les semaines qui ont suivi.

Il doit aussi témoigner prochainement devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, qui cherche à déterminer s’il y a eu de l’ingérence politique dans le travail de la GRC.