Loi 96: les Premières Nations demandent à la Cour supérieure d’invalider 14 articles

Devant le refus du gouvernement Legault de les exempter de la Loi 96, notamment en matière de langue d’enseignement, les communautés autochtones du Québec demandent à la Cour supérieure d’invalider les articles de la Loi qui, selon un recours déposé jeudi, portent atteinte à leurs droits ancestraux.

L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) et le Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN) estiment que des dispositions de la loi nient leurs les droits ancestraux dont sont titulaires les peuples autochtones. Ils demandent ainsi au tribunal d’invalider 14 articles de cette loi.

«Il n’y a aucune nation sur la planète qui va imposer une législation sur une autre nation et leur langue», a averti le chef John Martin, membre du Comité des chefs du CEPN, en entrevue avec La Presse Canadienne.

John Martin est chef de la communauté micmaque de Gesgapegiag, une communauté où le micmac est la langue maternelle, l’anglais, la langue seconde et le français, très peu utilisé, est la troisième langue, conséquence du colonialisme.

Et c’est là où le bat blesse, particulièrement pour ces communautés où le colonisateur a imposé l’anglais et dont les jeunes peinent à franchir le secondaire, un problème «directement lié au fait que, pour compléter le secondaire et avoir le diplôme du ministère de l’Éducation, il faut avoir obtenu tous tes crédits en français au niveau secondaire», explique le chef Martin.

«La culture dans nos communautés n’est pas francophone. Les langues autochtones sont très présentes et la deuxième langue, c’est l’anglais. Quand on fait face à une langue qu’on n’entend pas, à laquelle nous ne sommes pas exposés, c’est extrêmement difficile pour nos étudiants.»

Écart marqué selon la langue coloniale

Les chiffres ne mentent d’ailleurs pas à cet effet. Des études citées par l’APNQL et le Conseil montrent que 85 % des étudiants autochtones provenant de communautés francophones accèdent aux études supérieures, comparativement à 35 % chez les étudiants provenant de communautés autochtones anglophones. 

Quoiqu’il en soit, pour les communautés autochtones, les droits à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale en éducation sont de la prérogative des Premières Nations, comme le stipule la Loi constitutionnelle de 1982, notamment en matière d’éducation, d’enseignement et de pratique de langues ancestrales. Ce n’est pas tant l’exigence du français qui pose problème que l’ingérence de Québec dans une compétence que leur reconnaît la constitution.

«Ce n’est pas acceptable que le Québec veuille faire ça. Ça nous appartient. Ce sont nos droits inhérents. Ce sont des droits qui sont protégés dans la constitution et on ne va pas accepter le fait qu’un autre gouvernement va imposer une législation sur les langues autochtones ici.»

Protéger le français

D’ailleurs, s’empresse d’ajouter le chef Martin, «on comprend pour les Québécois de vouloir sauver la langue française. Quand tu regardes la carte de l’Amérique du Nord, c’est la seule place où on parle français. On n’a pas de problème avec ça, mais de le faire aux dépens de nos langues, de nos jeunes, de notre futur, ce n’est pas acceptable. C’est une continuation des politiques qu’on identifie comme étant des politiques très colonialistes.» 

Les Premières Nations reprochent au gouvernement du Québec de ne pas avoir tenu compte de leurs revendications et de leurs représentations et de ne pas les avoir consultées préalablement au dépôt du projet de loi. Pourtant, affirment-elles, la loi qui aura des impacts considérables à moyen et à long terme dans plusieurs sphères de leur développement.

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, croit que le gouvernement du Québec fait usage de méthodes insidieuses d’assimilation qui datent d’un autre siècle. 

Sipi Flamand, chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, ajoute que la loi est une attaque directe contre les langues et les identités culturelles des Premières Nations et des Inuit et constitue un prolongement d’une politique visant à nourrir le racisme systémique à leur endroit.

Une loi dont les Autochtones ne veulent pas

À Québec, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations, Ian Lafrenière, a reconnu qu’il y a «un taux de décrochage (…) qui est monstrueux» dans certaines communautés. «Notre intention, c’est que les jeunes des premières nations des Inuits et accès à l’éducation supérieure.»

Il rappelle que son gouvernement travaille sur un projet de loi «qui est vraiment adapté pour les langues et les cultures autochtones» et il promet d’aller à la rencontre des communautés pour les consulter à cet effet.

Il refuse d’admettre l’argument des Premières Nations voulant que Québec n’ait pas à légiférer en matière de langue ou d’éducation pour les Autochtones, point à la ligne. Pour le ministre c’est la seule façon d’arriver à une solution: «Je comprends qu’on a deux visions (…) Il n’y a rien de simple, mais si, comme gouvernement, je n’ai pas une loi, je ne donne pas d’obligation, il y a bien peu de choses qui vont changer de notre côté.»

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