OTTAWA — La loi québécoise sur la laïcité continue de créer des remous sur la colline parlementaire à Ottawa.
Mardi, s’exprimant lors d’une conférence de presse, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a dit que «c’est le temps de se prononcer clairement» au sujet du projet de loi 21, devenu la Loi sur la laïcité de l’État.
Le fait qu’une enseignante d’une école primaire à Chelsea, en Outaouais, a été affectée à d’autres tâches en raison de son hijab inspire un durcissement de position au chef néo-démocrate.
M. Singh, qui porte lui-même le turban sikh et qui ne pourrait pas enseigner en vertu de cette loi, a déclaré qu’il serait prêt à ce que le NPD ait un statut d’intervenant dans les causes judiciaires qui s’opposent à la loi québécoise.
Jusqu’ici, il s’était opposé personnellement à cette loi, tout en reconnaissant le droit du Québec de légiférer en matière de laïcité.
«J’étais toujours contre cette loi, c’est clair. J’étais toujours contre cette loi. Et j’ai toujours dit que c’était une loi discriminatoire», a réitéré M. Singh en réponse à une journaliste.
«Mais je pense que maintenant, c’est le temps de se prononcer clairement, après ce qu’on a vu à Chelsea. Si (ce genre de causes) se rend à la Cour suprême, (…) le gouvernement fédéral (…) devra appuyer les Québécois et Québécoises qui contestent cette loi discriminatoire», a-t-il renchéri.
Au Bloc québécois, pendant ce temps, on ne décolère pas.
«Il y a toujours ben des limites!», a lancé Yves-François Blanchet, en s’en prenant à Bob Rae, ambassadeur du Canada aux Nations unies, lors d’une conférence de presse, mardi matin.
Le chef bloquiste reproche à M. Rae un gazouillis publié sur son compte Twitter le week-end dernier, où l’ambassadeur qualifie la loi québécoise sur la laïcité de l’État de «profondément discriminatoire».
Le Bloc québécois veut convoquer l’ambassadeur devant un comité parlementaire pour qu’il explique sa critique d’une loi «démocratiquement votée dans un Parlement souverain».
Il y a peu de chances que la demande bloquiste ait une suite. Pour convoquer l’ambassadeur Rae, il faudrait que les bloquistes aient l’appui des néo-démocrates, des conservateurs ou des libéraux qui siègent au comité permanent des affaires étrangères.
M. Blanchet prévoit que l’appui ne viendra pas. Et il croit que ce refus lui sera utile. «On y comprendra bien, au Québec, encore une fois, que les partis fédéralistes sont unanimes contre le Québec en matière de laïcité», prévoit-il.
Et puis, M. Blanchet lit dans la dernière sortie de Justin Trudeau sur cet enjeu un calcul politique annonciateur de la suite. Lundi, M. Trudeau a dit qu’il ne veut pas que son gouvernement intervienne légalement dans la cause où des Québécois contestent la loi, pour ne pas en faire une querelle Ottawa-Québec et donner ainsi un prétexte à François Legault de dénoncer une «ingérence fédérale».
«Il annonce, à toutes fins pratiques, qu’après l’élection québécoise, attachez-vous ben; les ressources fédérales vont être déployées contre la loi 21», prédit-il.
La loi québécoise sur la laïcité de l’État interdit, depuis 2019, que des personnes en situation d’autorité affichent des signes religieux. Cette loi, qui a une clause de droits acquis empêchant le renvoi de personnes déjà en poste, s’applique, entre autres, aux enseignants.