Manifestations à Ottawa: le recours à l’armée envisagé pour déloger les manifestants

OTTAWA — Le chef de la police d’Ottawa dit que «toutes les options sont sur la table», y compris le recours à l’armée, pour mettre fin à la protestation anti-vaccin en cours que certains conseillers municipaux qualifient d’une «occupation» de la capitale.

Le chef du Service de police d’Ottawa, Peter Sloly, dit être bien au fait que les habitants d’Ottawa veulent voir les policiers appliquer la loi, alors que les protestataires paralysent le centre-ville. Les résidants et les commerçants se sentent pris en otage alors que bon nombre d’entreprises sont toujours fermées au centre-ville.

D’après M. Sloly, la manifestation pourrait prendre fin par la négociation avec les leaders du convoi de camionneurs ou par une intervention policière pour faire respecter la loi.

«Chacune des options vient avec d’importants risques», a affirmé le chef Sloly mercredi lors d’une rencontre publique avec les conseillers municipaux d’Ottawa. Il a souligné que c’est quelque chose qui s’est produit pendant le conflit d’Oka avec les manifestants autochtones au Québec en 1990 et la crise d’octobre, qui a été alimentée par les militants séparatistes québécois en 1970.

Les estimations policières indiquent qu’entre 8000 et 15 000 personnes ont manifesté samedi dernier, mais que la foule a depuis fondu jusqu’à quelques centaines d’irréductibles.

«Ceux qui restent forment un groupe d’individus imprévisibles, irrespectueux de la loi et grandement déterminés», a décrit mercredi la cheffe adjointe par intérim Trish Ferguson.

D’ailleurs, on s’attend à ce que de nombreuses personnes viennent à nouveau manifester à Ottawa au cours de la fin de semaine, alors que l’association des hôteliers dit avoir enregistré de nouvelles réservations. La police n’a pas dévoilé les informations qu’elle détient sur le nombre de personnes attendues sur la colline du Parlement ce week-end.

Pour Peter Sloly, plus la manifestation s’étire, plus le risque augmente pour la sécurité publique.

Plus tôt mercredi, la présidente de la Commission des services policiers d’Ottawa a annoncé une intensification de l’application des règlements municipaux alors que des agents ont été redéployés de l’enceinte parlementaire pour protéger les citoyens des manifestants dont le comportement se fait menaçant.

Maintenant que le nombre de manifestants est tombé à quelques centaines contre plusieurs milliers dans la ville ce week-end, il y a une «opportunité de faire tout ce que nous pouvons pour rétablir l’ordre», a déclaré la présidente de la Commission des services policiers d’Ottawa, la conseillère Diane Deans.

«Le message que j’ai reçu haut et fort du public est qu’il ressent ce genre d’anarchie qui a été autorisé à se produire», a déclaré Mme Deans dans une entrevue.

«Nous devons rétablir la loi et l’ordre dans ces communautés et ces personnes doivent être soumises à nos lois et règlements pendant qu’elles sont dans notre ville», a-t-elle ajouté.

Trois hommes accusés

La police d’Ottawa a accusé trois hommes dans le cadre d’enquêtes liées à la manifestation, et le chef Peter Sloly dit qu’il s’attend à ce que d’autres accusations soient portées plus tard dans la journée et dans les jours à venir.

La police a indiqué mercredi qu’en marge du convoi contre les mesures sanitaires, un Québécois de 48 ans a été accusé d’avoir proféré des menaces et d’avoir conseillé de commettre un acte criminel — qui n’a pas été commis.

Les accusations portent sur des menaces et des commentaires proférés sur les réseaux sociaux alors que l’accusé se trouvait à Ottawa, a indiqué la police.

Ce sont donc maintenant trois hommes qui ont été arrêtés après des enquêtes liées aux manifestations dans la capitale fédérale, tandis que les organisateurs du convoi menacent de rester «aussi longtemps qu’il le faudra» pour que les gouvernements mettent fin notamment à la vaccination obligatoire des camionneurs transfrontaliers.

Selon la police, André Lacasse, 37 ans, d’Ottawa, a été accusé dimanche d’avoir porté une arme lors d’une réunion publique. Matthew Dorken, 29 ans, d’Ottawa, a été accusé mardi de méfait de moins de 5000 $, à la suite d’un incident qui serait survenu samedi. La police a précisé que l’homme n’avait pas été arrêté samedi, au moment des faits allégués, «afin d’éviter une plus importante confrontation».

Le Service de police d’Ottawa a indiqué que 25 enquêtes étaient actives en date de mercredi après-midi en lien avec des gestes posés par des manifestants.

«Nous tenons à ce que ce soit clair, tant pour les présentes manifestations que pour toute manifestation envisagée: les activités illégales ne seront aucunement tolérées», indique la Police d’Ottawa dans un communiqué.

Les résidants d’Ottawa, excédés par le son incessant des klaxons des camions, les embouteillages et le harcèlement de certains manifestants, remettent en question la façon dont la police a géré jusqu’ici la manifestation depuis la fin de semaine.

Les responsables de la police municipale et de la Ville d’Ottawa ont soutenu qu’il fallait éviter d’envenimer la situation et provoquer de violentes confrontations avec les manifestants.

La police négocie avec les chefs de plusieurs factions du convoi, mais n’a aucune ligne de communication avec certaines parties impliquées, a déclaré Mme Deans.

La conseillère municipale Catherine McKenney, qui représente le centre-ville, a demandé au gouvernement fédéral de mandater la Gendarmerie royale du Canada pour appuyer les policiers locaux.

Diane Deans a également appelé le maire de la ville d’Ottawa, Jim Watson, et le premier ministre Justin Trudeau à entrer en contact avec GoFundMe et à exiger que les manifestants n’aient pas accès aux millions de dollars recueillis sur le site de financement par les organisateurs de la manifestation. Jusqu’à présent, GoFundMe a confirmé qu’un million de dollars avaient été versés aux organisateurs.

«Ils financent ces mercenaires et ce flux de financement doit être interrompu», a déclaré Mme Deans.

«Engagez le dialogue»

Canada Unity, le groupe derrière la manifestation, est né lors d’un convoi propipeline de 2019 à Ottawa, mais s’est transformé après le début de la pandémie en groupe opposé à toutes les mesures sanitaires contre la COVID-19.

Dans un communiqué publié mercredi, l’un des dirigeants du convoi a déclaré que la responsabilité des difficultés d’Ottawa pendant la manifestation incombait aux politiciens qui «préfèrent nous vilipender et nous insulter» au lieu d’engager le dialogue.

«Le moyen le plus rapide de nous faire sortir de la capitale nationale est d’appeler vos représentants élus et de mettre fin à la vaccination obligatoire», a écrit Chris Barber, qui est décrit dans le communiqué comme un des leaders du convoi. M. Barber soutient que les interactions des manifestants avec la police d’Ottawa ont été «généralement positives», en particulier avec les policiers de première ligne.

Tamara Lich, porte-parole du convoi, a également soutenu dans le communiqué que les organisateurs avaient été surpris par le nombre de participants qui se sont présentés à Ottawa. Elle aussi a assuré que les manifestants n’avaient pas l’intention de partir. «C’était un peu compliqué au début, d’un point de vue logistique, mais nous sommes maintenant bien organisés et nous nous installons, jusqu’à ce que le Canada redevienne une nation libre», a-t-elle écrit.

La Police d’Ottawa estime avoir dépensé environ 800 000 $ par jour pour surveiller la manifestation et répondre aux urgences. Certains exigent maintenant qu’une partie des millions de dollars collectés pour soutenir la manifestation soient versés en compensations pour les gestes disgracieux posés par certains manifestants.

La «Private Motor Truck Council of Canada», qui représente les flottes privées de camionnage, a reconnu que la manifestation était allée «trop loin», en citant la profanation du Monument commémoratif de guerre du Canada et de la statue de Terry Fox au centre-ville, ainsi que le harcèlement des serveurs et des clients du refuge pour sans-abri Les Bergers de l’espoir. L’association a suggéré aux manifestants de faire des dons à la Fondation Terry Fox, à la Légion royale canadienne et aux Bergers de l’Espoir.

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