WINNIPEG — Les recherches des restes de deux femmes des Premières Nations dans une décharge de la région de Winnipeg pourraient prendre jusqu’à trois ans et coûter 184 millions $, mais elles doivent tout de même aller de l’avant, martèlent les familles des disparues et des dirigeants autochtones.
«Si l’on ne va pas de l’avant avec les recherches, cela va envoyer le message aux Premières Nations de tout le pays que ce gouvernement approuve le fait de jeter des femmes des Premières Nations aux ordures», a plaidé la grande cheffe de l’Assemblée des chefs du Manitoba, Cathy Merrick, lors d’une conférence de presse vendredi.
Une étude, obtenue par La Presse Canadienne,a examiné les différents scénarios et défis liés à la recherche d’un site d’enfouissement et a conclu qu’un examen de la décharge de Prairie Green est réalisable.
Elle prévient qu’il existe des «risques considérables» dus à l’exposition à des produits chimiques toxiques et à l’amiante. Mais elle souligne que de renoncer à une recherche pourrait être plus préjudiciable pour les familles de Morgan Harris et Marcedes Myran.
«Ne pas effectuer la recherche pourrait causer une détresse considérable aux membres de la famille de la victime», est-il écrit.
«L’impact de ne pas effectuer de recherche et de récupération humanitaire pour les restes de Morgan et Marcedes, alors qu’il est possible qu’elles se trouvent dans la décharge de Prairie Green, pourrait avoir des répercussions durables sur les familles, les amis, les proches et les Premières Nations et les Autochtones au Manitoba et partout au Canada.»
Cambria Harris a porté sa cause jusqu’au Parlement fédéral, à Ottawa, en décembre pour demander aux gouvernements de prendre plus au sérieux la question des femmes et des jeunes filles autochtones disparues et assassinées. Vendredi, elle a rappelé qu’elle n’a toujours pas d’endroit où déposer des fleurs pour sa mère.
«Nous n’avons pas d’endroit pour nous recueillir ou rendre hommage à nos mères que nous avons perdues», a-t-elle déploré.
Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a affirmé qu’il espérait rencontrer les familles dans les deux prochaines semaines afin d’envisager les prochaines étapes.
«Cela pourrait prendre de nombreuses années. Les personnes qui fouillent des sites potentiellement toxiques risquent de mettre leur vie en danger», a-t-il soulevé.
«Oui, il s’agit d’une somme d’argent considérable. Mais comme l’a dit l’Assemblée des chefs du Manitoba, quel signal enverrions-nous si nous ne cherchions pas les corps de ces femmes des Premières Nations qui ont été jetées comme des déchets ? Elles sont sacrées et doivent être honorées», a-t-il affirmé.
De son côté, le premier ministre Justin Trudeau a assuré que le gouvernement fédéral serait présent pour soutenir le processus de deuil et de guérison des familles.
«Nous savons à quel point cette situation est atroce et difficile pour les familles et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les aider», a mentionné M. Trudeau.
Pas de garanties
Un comité dirigé par des Autochtones et chapeauté par l’Assemblée des chefs du Manitoba a commandé l’étude après que la police de Winnipeg eut déclaré en décembre qu’elle croyait que les restes de Mmes Harris et Myran se trouvaient dans la décharge au nord de la ville. Mais la police avait dit qu’elle ne fouillerait pas le site en raison du passage du temps et du grand volume de matériel déposé à cet endroit.
L’étude indique qu’il n’est pas garanti qu’une recherche permettrait de localiser les restes des femmes. Cela pourrait prendre entre un et trois ans et coûterait entre 84 et 184 millions $.
D’après le rapport, la police croit que les restes des femmes ont été laissés dans une poubelle à trois jours d’intervalle au début de mai 2022. Le contenu de la benne a été envoyé à la décharge de Prairie Green le 16 mai.
Jeremy Skibicki a été accusé de meurtre au premier degré dans la mort des deux femmes, ainsi que de deux autres – Rebecca Contois, dont les restes ont été retrouvés à la décharge de Brady, et une femme que les dirigeants autochtones ont nommée Mashkode Bizhiki’ikwe, ou «Buffalo Woman». La police n’a pas non plus retrouvé sa dépouille.
Le rapport indique que les gouvernements devraient tenir compte des coûts sociétaux potentiels de la conduite d’une recherche, y compris l’impact émotionnel sur les familles.
Le rapport précise que rien dans une recherche potentielle de cette taille et de cette ampleur n’est facile, et le coût pour les familles et les communautés des Premières Nations doit être pris en compte avec les soutiens appropriés mis à disposition.
Il est ajouté que jusqu’à ce que Marcedes et Morgan soient correctement renvoyés chez elles, ces femmes, leurs familles et toutes nos communautés endurent un sacrilège.
Les plans de recherche proposés dans le rapport tiennent compte des souhaits de la famille, des enseignements traditionnels, des dangers et des risques, des processus de recherche, des besoins en équipement et en personnel, des délais et des coûts.
Certaines des principales préoccupations décrites dans le rapport concernaient la santé et la sécurité. Il est recommandé que les équipes de matières dangereuses soient sur place en tout temps pour surveiller la qualité de l’air, agir en tant qu’agents de sécurité et effectuer la décontamination du personnel qui se trouve dans une fosse d’excavation ou qui travaille à proximité des matériaux excavés.
Pas d’engagement immédiat de la première ministre
Une autre inquiétude est la stabilité du terrain. Le rapport indique que l’excavation le long d’une pente de débris pourrait entraîner un glissement de terrain.
Le comité affirme que l’utilisation d’un transporteur à courroie pour fouiller les débris serait la meilleure option.
Afin de procéder à une recherche, Prairie Green devrait soumettre une proposition à un organisme de réglementation pour approuver l’excavation et le transport des matériaux.
Le rapport ne dit pas qui devrait payer pour les recherches.
L’étude demande également un financement accru pour les soutiens sociaux et les refuges pour sans-abri. Il recommande des systèmes de suivi GPS obligatoires et des caméras orientées vers l’arrière dans les camions à ordures au Canada, ainsi que des vidéos de surveillance installées aux entrées et sorties des décharges.
La première ministre Heather Stefanson a déclaré qu’elle n’avait pas vu le rapport et qu’elle était de tout cœur avec les familles.
«Chaque fois que nous franchissons une autre étape à ce sujet, c’est un rappel de la situation horrible à laquelle nous sommes confrontés», a-t-elle affirmé vendredi lors d’un autre événement.
Elle ne s’engagerait à financer aucun aspect de la recherche tant que son bureau n’aurait pas eu la possibilité d’examiner le rapport.