Meta menace de bloquer l’accès aux nouvelles sur Facebook et Instagram

OTTAWA — Meta menace à son tour de bloquer l’accès aux sites de nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram si le projet de loi fédéral sur les nouvelles en ligne est adopté dans sa forme actuelle.

Une porte-parole de l’entreprise, Lisa Laventure, a dit samedi que Meta avait pris cette décision parce que la loi, si elle est adoptée, l’obligera à payer les médias pour des liens ou des contenus qu’elle n’a pas elle-même affichés.

«Un cadre législatif, qui nous contraindrait à payer pour des liens ou du contenu que nous n’avons pas publiés nous-mêmes et qui ne sont pas la raison pour laquelle une vaste majorité de personnes utilisent nos plateformes, n’est ni rentable ni viable», a-t-elle écrit dans un courriel.

Les géants du numérique comme Meta et Google s’opposent au projet de loi C-18 parce qu’ils les obligeraient à négocier des accords pour indemniser les entreprises de médias canadiennes pour l’affichage ou la fourniture de liens vers leur contenu d’actualités.

Les grandes corporations médiatiques canadiennes et le gouvernement fédéral défendent le projet de loi en disant qu’il assurera un partage équitable des revenus entre les plateformes numériques et les médias.

«C’est encore décevant de constater que Facebook ait recours aux menaces plutôt que collaborer de bonne foi avec le gouvernement canadien, a déclaré le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez. Cette tactique n’a pas fonctionné en Australie et elle ne fonctionnera pas ici.»

M. Rodriguez faisait référence à la décision de Facebook de bloquer des contenus journalistiques  en Australie, quand ce pays a mis de l’avant une législation similaire à celle que le Canada entend adopter. L’entreprise avait finalement rétropédalé après que le gouvernement eut adopté des modifications aux mécanismes d’arbitrage prévus à sa loi.

Meta a eu recours aux mêmes menaces dans d’autres pays, comme aux États-Unis.

Elle a laissé planer la menace de bloquer l’accès au contenu journalistique au Canada depuis plusieurs mois.

Marc Dinsdale, son responsable des partenariats avec les médias, en avait lancé l’idée en octobre 2022. Il avait argué que le projet de loi présumait que son entreprise bénéficiait injustement de sa relation avec les éditeurs, alors que c’est l’inverse qui est vrai.

Il avait ajouté que «les publications contenant des liens vers des articles de nouvelles représentent moins de 3 % de ce que les gens voient dans leur fil d’actualité Facebook». Selon lui, les Canadiens veulent voir moins de nouvelles et de contenu politique.

«Nous avons fait savoir à plusieurs reprises au gouvernement que le contenu de nouvelles ne constitue pas un attrait pour nos utilisateurs et n’est pas une source importante de revenus pour notre entreprise», avait déclaré M. Dinsdale.

M. Rodriguez et les éditeurs soutiennent que les sociétés numériques s’emparent des revenus publicitaires des médias.

Un rapport publié en 2018 par le Canadian Media Concentration Project révélait que Google détenait la moitié des parts du marché de la publicité numérique au Canada, devant Facebook à 27,3 %. Bell, Torstar, Twitter et Postmedia ne dépassaient les 2 %. chacun.

Les revenus publicitaires de Google s’élevaient à 3,8 milliards en 2018, comparativement à 2,8 % en 2016. Facebook a obtenu 2,1 milliards $ en publicité en 2018, loin devant Bell à 146 millions $.

Meta soutient que loin de nuire aux médias, elle les aide réellement.

M. Dinsdale mentionnait que l’entreprise avait envoyé aux éditeurs inscrits plus de 1,9 milliard de clics en une seule année, leur permettant d’épargner plus de 230 millions $.

Ce contenu a été placé par les médias de leur plein gré sur Facebook, selon lui.

«On nous demande d’accepter un système qui permet aux éditeurs de nous facturer autant de contenu qu’ils le souhaitent, à un prix indéterminé. Aucune entreprise ne peut fonctionner ainsi.»

M. Rodiguez réplique en affirmant que les Canadiens «ne se laisseront pas intimider» par les tactiques de Meta.

«Tout ce que Facebook a fait jusqu’à présent, c’est de se présenter devant le comité [du patrimoine], d’employer des tactiques dilatoires, de refuser de répondre aux questions et de menacer les Canadiens. Nous avons toujours dit que nous étions prêts à collaborer avec Facebook. Nous le sommes toujours.»

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La Presse Canadienne et Meta ont lancé en 2020 un programme visant à fournir une dizaine de bourses par année à de jeunes journalistes en début de carrière.

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