Michel Cadotte est reconnu coupable d’homicide involontaire

MONTRÉAL — Michel Cadotte, l’homme qui a mis fin aux jours de sa femme souffrant d’Alzheimer, a été reconnu coupable d’homicide involontaire par le jury, samedi.

Cadotte était accusé de meurtre au second degré après la mort par étouffement de Jocelyne Lizotte, qui en était au dernier stade de la maladie. Le couple était marié depuis 19 ans.

La Couronne argumentait que Cadotte avait eu l’intention de tuer sa femme, à qui il ne pouvait plus donner des soins par lui-même.

Les avocats de Cadotte soutenaient pour leur part que leur client souffrait de dépression et avait agi de façon impulsive, le 20 février 2017.

Cadotte ayant reconnu avoir tué sa femme, le jury n’avait le choix qu’entre deux verdicts: reconnaître l’accusé de meurtre au second degré ou d’homicide involontaire.

La procureure de la Couronne a d’abord réagi à la décision des jurés en reconnaissant que leur tâche avait été difficile. Me Geneviève Langlois a indiqué qu’il serait prématuré de faire part de ses intentions quant à un éventuel appel. Elle s’est néanmoins jointe aux avocats de la défense en souhaitant que ce verdict apporte un peu de sérénité à la famille de Mme Lizotte.

De son côté, Cadotte, qui a rencontré les journalistes en compagnie de ses avocats, a dit se sentir mieux maintenant qu’il connaît le verdict. Il a ajouté qu’il pouvait commencer à faire son deuil.

«On est satisfait évidemment du verdict, mais je pense qu’il n’y a personne de notre côté comme du côté de la famille de Mme Lizotte qui est satisfait de quoi que ce soit qui se soit passé. C’est une histoire triste, c’est un moment de faiblesse humaine qui a eu des conséquences absolument dramatiques tant pour Mme Lizotte que M. Cadotte», a souligné Me Nicolas Welt.

Le crime avait été présenté dans les médias comme un meurtre par compassion — une infraction qui ne figure pas au Code criminel.

Le procès, qui a commencé le 14 janvier, a révélé que Cadotte s’était renseigné sur l’aide médicale à mourir un an avant de tuer sa femme. Dans ses directives, la juge Hélène Di Salvo a sommé les jurés de ne pas tenir compte de la législation en matière de suicide assisté ni de la qualité des services rendus dans les Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) comme celui où vivait Lizotte, même si ces enjeux ont inévitablement fait surface. La magistrate a également invité le jury à ne pas se soucier de la peine qui pourrait être infligée à Cadotte, car la sentence incombe au juge.

Le meurtre au deuxième degré est passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins dix ans, tandis qu’il n’y a pas de peine minimale pour un homicide involontaire, sauf si une arme à feu a été impliquée dans l’acte.

Les observations sur la peine doivent s’amorcer le 5 mars.

Une question d’état d’esprit

Selon le témoignage d’un médecin de l’établissement de soins de longue durée Emilie-Gamelin, Mme Lizotte souffrait de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé et était déconnectée de la réalité, mais elle n’était pas en fin de vie.

Cadotte avait passé des années à prendre soin de sa femme, même après qu’elle eut été placée en CHSLD. Il faisait sa lessive parce que son système immunitaire était faible et il ne voulait pas que ses vêtements soient lavés avec ceux d’autres patients. Il la faisait voir un coiffeur tous les mois et avait installé une télévision dans sa chambre pour qu’elle puisse écouter de la musique. Il s’est également assuré qu’elle aille des lotions, des savons et des shampooings de meilleure qualité. Il lui apportait du chocolat — son petit luxe — quand il le pouvait.

Le tribunal a appris que la famille de Mme Lizotte était en grande partie incapable de composer avec sa maladie et que Michel Cadotte a donc été laissé à lui-même pour veiller sur elle.

Les avocats de la défense ont fait valoir que toutes ces années de dévouement envers sa femme Lavaient lourdement affecté et que leur client était de plus en plus isolé dans les semaines ayant précédé le meurtre. Après des frictions avec sa propre famille, il aurait passé le week-end précédent à ingurgiter d’importantes quantités d’alcool.

Longtemps critique des soins apportés à sa femme, Cadotte aurait été profondément attristé de l’apercevoir, le jour de sa mort, le cou plié, assise dans un fauteuil gériatrique sans appui-tête spécialisé. Il aurait pleuré en tentant de lui faire manger son déjeuner, puis aurait placé un oreiller sous sa tête. Cadotte dit ne pas pouvoir s’expliquer ce qui s’est passé, mais après plusieurs tentatives, il a finalement placé l’oreiller sur son visage et l’a étouffée.

«Elle souffrait trop, a-t-il déclaré devant la cour. Je ne voulais plus qu’elle souffre. Je souffrais pour elle.»

Les experts ont exprimé des opinions divergentes sur l’état d’esprit de Cadotte au moment du meurtre.

Un psychiatre appelé à la barre par la défense a soutenu que Cadotte souffrait toujours d’une dépression diagnostiquée quelques années plus tôt au moment des faits. Bien qu’il ne fût pas psychotique et qu’il sût distinguer le bien du mal, son état d’esprit a affecté sa capacité à prendre des décisions.

Un psychologue de la défense a ajouté que Cadotte était perturbé et déchiré entre le désir que sa femme reçoive de bons soins et la volonté de cette dernière de ne pas vivre dans de telles conditions.

Mais un expert recruté par la Couronne a objecté que Cadotte ne présentait aucun signe de dépression majeure avant de passer à l’acte. Il a ajouté que sa consommation excessive d’alcool pouvait avoir alimenté un trouble de l’humeur ce jour-là.