Montréal a besoin d’aide face à un gouffre financier estimé à 500 M $

Montréal prépare sa relance post-COVID-19 et lance un appel à l’aide à Québec et à Ottawa afin d’avoir les moyens de redémarrer le moteur de l’économie québécoise au moment où elle fait face à un gouffre financier de 500 millions $.

Mardi, le comité d’experts mis sur pied par l’administration de Valérie Plante et présidé par l’économiste Luc Godbout a dévoilé une vingtaine de recommandations visant à assurer une relance vigoureuse de l’économie de la métropole.

Avant même de plonger dans le détail d’une stratégie de relance, le comité insiste sur l’importance d’un soutien majeur des paliers supérieurs du gouvernement. On réclame d’abord une permission spéciale de Québec pour enfreindre la Loi sur les cités et villes qui interdit les déficits.

«Dans ce contexte particulier, Montréal doit pouvoir faire des déficits», conclut le comité qui suggère la possibilité d’émettre des obligations d’épargne spéciales pour aider la plus grande ville du Québec.

Cependant, les experts économiques insistent sur le fait qu’un éventuel déficit ne réglerait pas tout et que l’aide financière des niveaux supérieurs demeure essentielle.

«Nous sommes déjà en déficit», a reconnu sans détour la mairesse qui attend que Québec et Ottawa chiffrent leur aide financière.

«Quand on inclut le transport collectif, ça peut aller jusqu’à 500 millions $ de manque à gagner. C’est l’argent qui me manque dans mon budget actuellement», a révélé Valérie Plante en conférence de presse aux côtés de Luc Godbout, du professeur Richard Sheamur et de la titulaire de la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels de l’Université du Québec à Montréal, Raquel Fonseca.

Le secteur du transport en commun représente une énorme charge sur les finances publiques. Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, la Société de transport de Montréal (STM) maintient son service et toutes les dépenses qui y sont rattachées, mais la clientèle n’est plus au rendez-vous, entraînant une forte baisse de revenus.

«Actuellement, c’est ce qui aggrave le déficit de Montréal», indique Luc Godbout qui rappelle cependant que le système de transport collectif montréalais demeure une richesse en temps normal et qu’il faut s’assurer de le maintenir.

Une relance juste et verte

D’entrée de jeu, le rapport, intitulé «Du confinement à la relance: pour une métropole résiliente», souligne que l’économie prépandémie de Montréal «affichait des performances records en matière d’emplois et d’attractions des investissements».

Toutefois, l’importance qu’occupe Montréal en tant que moteur économique du Québec, jumelée à l’ampleur de la crise sanitaire qui a frappé de plein fouet son territoire, placent la métropole dans une position économique «fragilisée».

La vingtaine de recommandations formulées s’appuient sur cinq principes qui sont la coordination avec les gouvernements du Québec et du Canada; miser sur les créneaux les plus porteurs; miser sur des actions prévisibles et simples; tenir compte des enjeux de santé publique; et tenir compte de la transition écologique.

À ce sujet, la mairesse Valérie Plante a assuré que la relance devra être verte et juste. «Notre relance tiendra compte de l’égalité sociale et de la transition écologique», a-t-elle promis.

Le comité d’experts suggère d’ailleurs de profiter de la relance pour repenser l’aménagement de certains quartiers, des espaces publics et des espaces verts, «car ces espaces ont un effet positif sur la santé physique et mentale des Montréalais», peut-on lire dans le document.

En fin de journée, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) a donné son appui au plan du comité d’experts.

Par voie de communiqué, le président et chef de la direction Michel Leblanc a déclaré que le document «décrit clairement les mesures qui devraient figurer dans un plan de relance du Québec afin de permettre à Montréal de continuer à jouer son rôle de locomotive».

Dilemme au centre-ville

Les enjeux qui concernent le centre-ville placent l’administration de Valérie Plante face à un intéressant paradoxe. D’une part, le comité d’experts suggère d’encourager les PME à favoriser le télétravail afin de réduire l’affluence vers le quartier des affaires et ses nombreuses tours où fourmillent normalement des milliers de travailleurs.

En contrepartie, une désertion des immeubles de bureaux entraînerait de lourdes pertes pour tous les commerçants du secteur qui misent sur la présence quotidienne de la clientèle d’affaires.

À ce sujet, le comité Godbout invite Montréal à se préparer à devoir gérer une crise de locaux commerciaux vacants. On suggère de prévoir «une gestion adaptée des locaux vacants», principalement de ceux occupés par des restaurants et des bars qui «ne seront pas en mesure d’ouvrir leur porte après la crise», prédit le rapport.

De son côté, la chambre de commerce promet qu’elle «mettra toutes ses ressources au service de la relance de l’économie de la métropole et de ses entreprises», a fait savoir Michel Leblanc.

Un plan d’action de la CCMM devrait d’ailleurs être déposé mercredi dans le but d’«aider les commerces du centre-ville (…) qui vivront une baisse majeure et prolongée de leur achalandage», a annoncé l’organisme.

Une importante réflexion s’impose également sur l’adaptation de divers secteurs de l’économie au commerce numérique, d’après les experts. Ceux-ci encouragent par ailleurs Montréal à soutenir un grand mouvement d’achat local sur son territoire par diverses stratégies.

Solidarité sociale

La mairesse Plante a promis une relance égalitaire et plusieurs mesures à vocation sociale ont été dévoilées par le comité spécial dont le travail devrait se poursuivre.

On conseille notamment à Montréal d’«appuyer la régularisation des demandeurs d’asile ayant participé à l’effort de lutte contre la COVID-19». Un mouvement a été lancé par divers organismes et militants afin de s’assurer que ces «anges gardiens» ne soient pas éventuellement déportés.

On encourage aussi l’accès à la formation numérique pour les populations défavorisées en améliorant aussi l’accès à internet dans les lieux publics.

Les thèmes de la sécurité alimentaire et du logement social sont aussi abordés par les experts.