N95: Québec essuie une gifle juridique, doit des excuses aux soignantes, estime QS

QUÉBEC — Le gouvernement Legault a essuyé une «gifle juridique» dans le dossier des masques N95 et doit maintenant présenter des excuses officielles aux soignantes, estime Québec solidaire (QS).

Selon son porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, le Tribunal administratif du travail (TAT) a tranché: le gouvernement a failli à sa tâche de bien protéger les soignantes.

Plus de 41 000 travailleurs de la santé ont contracté la COVID-19 depuis le début de la pandémie et 18 sont décédés de la maladie.

Dans sa décision rendue mardi, le juge Philippe Bouvier du TAT donne raison aux syndicats — le principe de précaution aurait dû être appliqué considérant le risque de transmission aérienne du virus.

Il ordonne aux établissements en cause de fournir un masque de type N95 à l’ensemble du personnel intervenant en zone chaude ou tiède auprès d’un résidant suspecté ou atteint de la COVID-19.

«Le tribunal retient que l’un des modes de transmission du virus est la voie aérienne. (…) Dans cette perspective, les masques (…) de procédure ne représentent pas une protection efficace», écrit le juge.

Jusqu’en février, Québec a limité l’utilisation du masque N95, allant même jusqu’à l’interdire formellement, sauf aux employés prodiguant des interventions médicales générant des aérosols (IMGA). 

Il a choisi d’enfreindre le principe de précaution, a martelé Gabriel Nadeau-Dubois.

«La décision politique de mal protéger les soignantes, elle a été prise par (le ministre de la Santé) Christian Dubé, (sa prédécesseure) Danielle McCann et (le premier ministre) François Legault.

«Ce sont ces gens-là qui doivent rendre des comptes, ce sont ces gens-là qui doivent s’excuser», a-t-il déclaré. 

Il a rappelé que dès le 9 avril 2020, l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) recommandait aux soignantes de porter le masque N95. «Cet avis a été ignoré.»

Il s’agit d’un deuxième revers judiciaire en trois mois pour le gouvernement Legault. En janvier, la Cour supérieure avait suspendu l’application du couvre-feu aux sans-abri. 

«C’est exactement la même histoire, s’exclame M. Nadeau-Dubois. Après avoir ignoré les voix sur le terrain de manière obstinée, bien il se fait remettre à sa place par un juge.»

Question de vie ou de mort

Si le gouvernement avait mieux protégé les soignantes, combien de vies auraient pu être sauvées? a demandé mercredi la porte-parole libérale en santé, Marie Montpetit.

«La santé et la sécurité des travailleurs, ce n’est pas un privilège, c’est un droit, a-t-elle affirmé. Est-ce qu’il peut admettre son erreur et s’excuser auprès des travailleurs de la santé?» 

De son siège au Salon bleu, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a répondu que son gouvernement prenait acte de la décision du TAT.  

«Le jugement d’hier a été bien pris en note par mon collègue ministre de la Santé et dès ce matin, on est au travail avec la Santé publique et la CNESST pour voir (…) ce qu’on va mettre comme suite», a-t-il dit.

Il ne s’est pas excusé au nom du gouvernement, affirmant que celui-ci n’avait fait que suivre la Santé publique, et que, de toute façon, la meilleure protection contre la COVID-19 restait la vaccination.

«La meilleure source de protection, c’est le vaccin. On encourage nos travailleurs à aller se faire vacciner.»

Commission d’enquête publique indépendante réclamée

L’absence des soignantes qui ont contracté la COVID-19 a eu des conséquences, a poursuivi Mme Montpetit.  

«C’est exactement la raison pour laquelle on veut une enquête publique indépendante pour faire la lumière sur toutes les décisions politiques (…) comme celles-ci qui ont eu de lourdes conséquences», a-t-elle dit.

Le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, a abondé dans le même sens. 

Il s’est étonné qu’on ait «mis en jeu» la santé et la sécurité des soignantes «en toute connaissance de cause, en présumant qu’un masque chirurgical avait la même valeur de protection qu’un N95».

«Si on cherchait un signal clair comme quoi on a absolument besoin d’une enquête publique indépendante sur la gestion de la crise, et bien le voici», a-t-il ajouté en anglais.

Dans la foulée du jugement du TAT, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a annoncé mercredi qu’elle rendait obligatoire le masque N95 pour tous les travailleurs en zone tiède dans tous les milieux de santé.

«Depuis le début de la crise sanitaire, la CNESST est restée vigilante au sujet de l’évolution des connaissances scientifiques sur le mode de transmission du virus par aérosol», s’est-elle défendue dans un communiqué.