OTTAWA — Celui qui était PDG de Hockey Canada de 1998 à 2014 est fier d’une grande partie de ce qu’il a accompli, notamment d’avoir amélioré la sécurité sur la glace et fait croître les finances de la fédération sportive nationale. Mais Bob Nicholson a aussi des regrets.
Lors de son témoignage mardi devant le Comité permanent du patrimoine, à Ottawa, il s’est excusé pour ne pas avoir mis en place, à l’époque, de lignes directrices écrites sur la façon dont Hockey Canada devrait traiter les réclamations pour agression sexuelle, pendant ses 16 ans à la barre de la fédération sportive nationale.
«J’aimerais pouvoir revenir en arrière, a-t-il déclaré aux députés par visioconférence, mardi. J’aurais aimé pouvoir mettre en place plus de politiques. Mon travail, en tant que PDG, était de vraiment gérer les activités (de la fédération). Les politiques venaient du conseil d’administration — et je ne renvoie pas la balle au conseil d’administration: j’étais le PDG et j’aurais dû encourager davantage de politiques».
«C’est quelque chose que j’aurais aimé faire, je ne l’ai pas fait et j’en suis désolé», a-t-il dit.
M. Nicholson a ajouté qu’il était satisfait de la façon dont la fédération avait traité pendant son mandat les plaintes pour agression sexuelle et inconduites. On a notamment conclu des règlements liés à l’ex-entraîneur de hockey junior Graham James.
Mais M. Nicholson estime que les réunions sur ces dossiers n’auraient pas dû se tenir à huis clos sans procès-verbal. «Nous n’avons pas géré cela correctement», a-t-il admis mardi.
Le «Fonds national d’équité»
Hockey Canada est dans la tourmente depuis plusieurs mois après que l’organisation a été éclaboussée par des allégations d’agressions sexuelles impliquant des membres de l’Équipe Canada junior de 2018.
On a appris en mai que l’organisation avait réglé discrètement la poursuite d’une femme qui alléguait avoir été agressée sexuellement par huit joueurs, dont des membres de l’équipe mondiale junior, à la suite d’un gala sportif en 2018 à London, en Ontario.
Le gouvernement fédéral et des entreprises commanditaires ont rapidement suspendu leur soutien financier, mais les manchettes embarrassantes se sont poursuivies. On a appris l’existence d’un très vague «Fonds national d’équité», qui a été finalement utilisé pour payer des règlements à l’amiable afin d’éviter la publicité. L’existence de deux autres fonds à des fins similaires a été révélée par la suite.
Le Fonds national d’équité, alimenté par les frais d’inscription des jeunes joueurs de tout le pays, était utilisé pour payer les «responsabilités non assurées», y compris les réclamations pour agressions sexuelles.
Hockey Canada, qui a déclaré avoir versé des millions aux victimes depuis la fin des années 1980, a ensuite annoncé que des membres de l’équipe masculine junior de 2003 faisaient l’objet d’une enquête pour agression sexuelle collective.
M. Nicholson, qui est maintenant président de l’équipe des Oilers d’Edmonton, a soutenu qu’il n’avait été mis au courant de cette affaire qu’en juillet, lors du repêchage de la Ligue nationale de hockey, et qu’il n’avait pas été contacté par la police.
Aucune des allégations n’a été prouvée devant les tribunaux.
Pendant la tourmente de cette année, le PDG de Hockey Canada, Scott Smith, a résisté aux appels qui réclamaient sa démission depuis l’été et au début de l’automne, avant de finalement quitter l’organisation le 11 octobre, à la suite d’une audience désastreuse du même Comité du patrimoine des Communes.
Le conseil d’administration de Hockey Canada a démissionné le même jour. Un nouveau conseil devrait être élu le mois prochain, en utilisant de nouvelles directives.
Commandites de 24 M$ perdues
Pat McLaughlin, vice-président principal de la stratégie, de l’exploitation et de la marque à Hockey Canada, a précisé sous serment mardi que la fédération avait versé 1,6 million $ à la firme canadienne de gestion de crise Navigator depuis juillet dernier, mais il a assuré qu’aucun fonds public n’avait été utilisé pour ce contrat.
Il a ajouté que les commandites perdues ou modifiées avaient coûté à Hockey Canada jusqu’à 24 millions $. «Ç’a été extrêmement difficile, a admis M. McLaughlin, qui a aussi témoigné de façon virtuelle. Ça nous coûte cher, sans aucun doute.»
Un examen indépendant et externe de la gouvernance à Hockey Canada, mené par l’ancien juge de la Cour suprême Thomas Cromwell et publié plus tôt ce mois-ci, a formulé un certain nombre de recommandations liées au leadership, à la transparence et à la façon dont le Fonds national d’équité devrait être géré à l’avenir.
«Je présume que Hockey Canada a vraiment appris de cela et ils vont changer leurs habitudes», a déclaré M. Nicholson mardi.
Les députés l’ont interrogé à plusieurs reprises sur l’utilisation par Hockey Canada des «accords de non-divulgation». Il a confirmé que Dan Church, ancien entraîneur-chef de l’équipe canadienne olympique de hockey féminin, et deux de ses adjoints avaient signé de tels accords après avoir démissionné avant les Jeux de 2014.
«Il s’agissait de sujets très délicats, a déclaré M. Nicholson. Je suis sûr que c’est la raison pour laquelle c’est revenu sur mon bureau pour faire signer» des accords de non-divulgation.
Il ne croit pas qu’un joueur n’a jamais signé un tel accord pendant son mandat, mais il ne peut pas dire «exactement» combien d’allégations d’agressions sexuelles sont passées sur son bureau au cours de ses 16 années à la tête de la fédération nationale.
Le vice-président McLaughlin n’a pas pu fournir par ailleurs de détails sur l’indemnité de départ que M. Smith a reçue lorsqu’il a quitté Hockey Canada.
Il a estimé que les dirigeants actuels, en comparaissant pour une quatrième série de rencontres au Parlement, prouvent qu’ils ont entendu le message. «Hockey Canada doit changer et il doit le faire de toute urgence. Les Canadiens s’attendent à des mesures significatives et ils les méritent. Et bien honnêtement, notre organisation a été trop lente à agir.
«Notre organisation a fait des erreurs, a-t-il poursuivi. Notre incapacité à agir plus tôt a eu un impact significatif sur les enfants, un impact significatif sur les parents et les bénévoles. Nous en sommes profondément désolés. Qu’on ne s’y trompe pas: sans ces gens, il n’y a pas de Hockey Canada.»