OTTAWA — L’Organisation de normes en santé a publié lundi un nouvel ensemble de directives pour aider le personnel hospitalier à gérer la douleur des enfants, en particulier les tout petits qui ne peuvent pas communiquer leurs souffrances.
Il s’agit de la première norme nationale au monde axée sur la douleur pédiatrique.
La docteure Samina Ali, urgentologue et chercheuse sur la douleur pédiatrique, souligne que les médecins ont cru pendant longtemps que le système nerveux des jeunes enfants était si peu développé que les bambins ne pouvaient pas ressentir ou se souvenir de la douleur.
«Au milieu des années 1980, les bébés subissaient une chirurgie à cœur ouvert sans anesthésie, a rappelé la docteure Ali, qui est également professeure de pédiatrie et de médecine d’urgence à l’Université de l’Alberta.
«Même si ces petits n’ont pas les mots pour le dire à ce moment-là, leur corps s’en souvient et on voit les conséquences à long terme sur leur développement physique et psychologique.»
Mais depuis, le Canada a fait des progrès majeurs dans la gestion de la douleur chez les jeunes patients, et la normalisation de l’approche dans tout le pays constitue une autre étape importante, a-t-elle déclaré lors d’un breffage technique lundi matin.
Les enfants hospitalisés subissent en moyenne six procédures douloureuses par jour, et ce nombre est plus proche de 14 pour les bébés aux soins intensifs, a souligné de son côté la psychologue Katie Birnie, directrice scientifique associée du réseau Solutions pour la douleur chez les enfants, l’organisme coauteur de la norme proposée lundi.
Cette nouvelle norme établit un ensemble de conseils pour la gestion de la douleur des enfants, de la naissance jusqu’à l’âge adulte. Elle présente 34 recommandations «sur la manière de prodiguer des soins et d’offrir du soutien de manière équitable, à travers des pratiques fondées sur des données probantes et centrées sur la personne».
On recommande par exemple que le personnel soignant signale tous les incidents lorsqu’un petit patient ressent une douleur évitable, non traitée et non gérée. On recommande aussi que le personnel s’assure que chaque patient est constamment évalué pour sa douleur — et si la gestion thérapeutique de la douleur est efficace.
Une seule heure de formation
Agrément Canada et l’Organisation de normes en santé mettront gratuitement les lignes directrices à la disposition des hôpitaux et des travailleurs de la santé, mais les deux organismes espèrent qu’elles pourront un jour constituer la base des politiques et de la formation des professionnels de la santé.
La docteure Justina Marianayagam, résidente en pédiatrie à l’Hôpital pour enfants de Vancouver, soutient que pendant ses quatre années de formation en pédiatrie, elle a eu une présentation d’une heure sur la gestion de la douleur.
«D’un strict point de vue de la formation, il y a un énorme besoin», a déclaré la résidente, qui a elle-même souffert de douleur chronique dans son enfance.
Environ un enfant sur cinq souffre de douleur chronique, a souligné la psychologue Birnie. «Ça les expose à un risque accru de problèmes de santé mentale, de consommation de substances et de disparités socio-économiques à l’âge adulte», a-t-elle affirmé. La douleur peut également affecter les émotions d’un enfant, ses amitiés, ses relations familiales, son sommeil et son bien-être physique.
Les enfants noirs, autochtones ou victimes de discrimination et d’inégalité sont touchés de manière disproportionnée, a-t-elle aussi mis de l’avant. «Nous savons que les enfants noirs sont moins susceptibles que les enfants blancs de recevoir des soins contre la douleur en Amérique du Nord», a expliqué la docteure Ali, même en ce qui concerne une blessure comme un bras cassé ou l’appendicite.
C’est pourquoi les nouvelles lignes directrices encouragent les organisations à évaluer l’équité de leurs services de gestion de la douleur pour les enfants.
Les normes publiées lundi font suite à un plan d’action de 2021 du Groupe de travail canadien sur la douleur pour Santé Canada, qui appelait à une approche plus cohérente de la gestion de la douleur à travers tout le pays.
L’Organisation de normes en santé, dont le siège est à Ottawa, est un organisme à but non lucratif regroupant des experts qui élaborent des normes et des programmes d’évaluation dans les services sociaux et de santé. Agrément Canada, en accordant des accréditations aux établissements, veille au respect des normes mondiales adoptées.