Observations sur la peine d’Ugo Fredette: la Couronne réclame 50 ans de prison

SAINT-JÉRÔME, Qc — La Couronne demande une peine de prison ferme de 50 ans pour Ugo Fredette, sinon, cela signifierait qu’il n’y a aucune conséquence à commettre un second meurtre — pas même une heure d’incarcération de plus, a plaidé Me Steve Baribeau.

Il plaide aussi qu’il faut dénoncer par une lourde peine le meurtre de l’ex-conjointe de Fredette, Véronique Barbe, tuée dans un contexte de violence conjugale et dans un «acte de domination».

La violence conjugale est un enjeu sociétal qui est encore bien présent en 2020, a-t-il ajouté jeudi matin. «On met du temps à évoluer.»

Les plaidoiries des avocats sur la longueur de la peine de prison que Ugo Fredette devra purger pour avoir tué violemment deux personnes ont débuté jeudi matin, au palais de justice de Saint-Jérôme.

Fredette a été reconnu coupable par un jury de deux meurtres au premier degré, commis le 14 septembre 2017.

L’homme de 44 ans a tué de 17 coups de couteau son ex-conjointe, Véronique Barbe.

Il a aussi été reconnu coupable du meurtre d’Yvon Lacasse, un automobiliste de 71 ans croisé par hasard alors qu’il était en fuite après avoir tué son ex-conjointe. Il l’a tué le même jour, volant son véhicule pour poursuivre sa cavale sans être repéré. Fredette lui «a défait le visage», a dit Me Baribeau.

Il a ensuite jeté son corps dans un fossé, «avec mépris pour la vie et la dignité humaine».

Trois ans après les crimes, Fredette n’exprime pas de remords, dit-il.

La peine

Le meurtre au premier degré entraîne automatiquement une peine de prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Sauf qu’une disposition du Code criminel permet depuis quelques années de cumuler les périodes de 25 ans quand il y a eu plus d’un meurtre.

C’est ce qui est en jeu ici: Fredette a commis deux meurtres, alors la juge pourrait lui imposer 50 ans de prison avant qu’il soit admissible à une libération, une peine d’une durée jamais vue au Québec.

Sinon, c’est comme si la vie de Yvon Lacasse ne valait rien, et comme si son meurtre, survenu après l’autre, valait moins, a lancé jeudi matin Me Baribeau. 

Il a plaidé le niveau de culpabilité morale élevé de Fredette, qui devrait «subir les foudres» de cet article du Code criminel.

«Si ce dossier-là ne mérite pas un cumul de peines, je ne sais pas quel dossier va le mériter», a-t-il poursuivi.

Il a rappelé qu’il y a eu deux meurtres au 1er degré — «le pire des crimes» — sur deux victimes qui n’avaient aucun lien entre elles.

Et puis, celui de Véronique Barbe a été commis dans un contexte de domination.

«Et ça, c’est épouvantable», a-t-il martelé.

«Le message qui va sortir de ça ne doit laisser place à aucune interprétation, à aucune ambiguïté.» 

Pour appuyer ses arguments, Me Baribeau a rappelé des faits présentés lors du procès: après avoir tué Véronique Barbe, l’homme a pris le temps de fermer les rideaux, de tout barricader, et de mettre le loquet de sécurité sur la porte-patio. «Il ne voulait pas qu’elle s’en sorte»: cela démontre une culpabilité optimale, a-t-il fait valoir.

Me Baribeau a aussi rappelé que Fredette a pris la fuite avec un enfant, présent lors des deux crimes.

«Quel genre de personne va exposer un enfant de six ans à ces atrocités?», a demandé Me Baribeau. Fredette s’était même servi de l’enfant comme bouclier quand il avait été arrêté par les policiers en Ontario.

La position d’Ugo Fredette

L’homme soutient que son cas ne mérite pas une aussi longue peine d’incarcération.

Il a écouté la plaidoirie de la Couronne à distance, du centre de détention de Saint-Anne-des-Plaines. Au fil des arguments, il hochait ou secouait parfois la tête, mais restait le plus souvent impassible. 

Son avocat, Louis-Alexandre Martin, tentera vendredi de convaincre la juge Myriam Lachance de la Cour supérieure de permettre à son client d’être admissible à une libération conditionnelle après 25 ans — il ne peut être condamné à moins.

Il plaidera notamment que l’article du Code criminel permettant le cumul des périodes d’inadmissibilité est inconstitutionnel, parce que contraire à la Charte des droits et libertés. Cet article est déjà contesté par Alexandre Bissonnette, le tueur de la mosquée de Québec, qui a abattu six hommes.

De plus, Fredette a porté en appel ses verdicts de culpabilité. Il réclame un second procès.