CLEVELAND — Un ancien ambassadeur américain à Ottawa se dit préoccupé par ce que le premier ministre Justin Trudeau aurait dit au sujet des dépenses de défense du Canada.
David Jacobson, qui a été ambassadeur de Barack Obama de 2009 à 2013, estime qu’un récent article du «Washington Post» pourrait s’avérer être un revers pour les futures relations canado-américaines.
Le quotidien américain a révélé que M. Trudeau avait dit en privé à des responsables de l’OTAN que le Canada n’atteindrait jamais l’objectif de dépenses de l’alliance militaire de 2 % du PIB.
M. Jacobson dit que les commentaires, s’ils sont vrais, risquent de rendre plus difficile la résolution de futurs irritants bilatéraux entre les deux pays.
Et ils pourraient également saper la confiance du public américain dans l’OTAN en alimentant la perception que les États-Unis supportent l’essentiel du fardeau militaire dans le monde.
M. Jacobson, qui dit ne pas savoir si l’histoire est exacte, s’exprimait lors de la conférence annuelle du Canada-United States Law Institute.
«C’est l’une de ces choses qui fait perdre confiance aux gouvernements», a déclaré M. Jacobson à un auditoire d’avocats, d’experts commerciaux et d’anciens diplomates.
«C’est un exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire pour aider à résoudre certains des problèmes bilatéraux dans les deux sens qui sont […] légitimement très importants pour des segments du public canadien et du public américain.»
L’article, publié en ligne mercredi puis jeudi sur la première page du journal, était basé sur un document provenant d’une mine de secrets du Pentagone divulgués ces dernières semaines dans un forum de discussion en ligne pour les joueurs.
Jack Teixeira, un informaticien de 21 ans et membre de la Garde nationale aérienne du Massachusetts, a été arrêté la semaine dernière et fait face à des accusations de violation de la loi américaine sur l’espionnage.
Selon le média américain, le document non signé et non daté, que La Presse canadienne n’a pas vu, mentionne des lacunes militaires «répandues» au Canada qui causent des frictions avec les partenaires de sécurité et les alliés.
Des conséquences sur l’opinion des Américains
M. Jacobson a reconnu une vérité de longue date aux États-Unis: que le soutien public aux missions militaires à l’étranger est fragile, en particulier lorsque les contribuables américains paient l’essentiel de la facture.
Alors que l’OTAN a longtemps lutté pour amener bon nombre de ses membres à atteindre son objectif de dépenses de 2 %, les dépenses militaires aux États-Unis représentent environ 3,3 % d’un PIB 13 fois supérieur à celui du Canada.
En comparaison, le gouvernement fédéral à Ottawa consacre actuellement environ 1,4 % du PIB à la défense.
«Ce qui va se passer, c’est que le public américain va se dire: « Pourquoi devrions-nous faire cela? Pourquoi devrions-nous défendre le monde? »» a indiqué M. Jacobson. Et il est dans l’intérêt des États-Unis de le faire, a-t-il ajouté.
«Mais à un moment donné, les gens vont dire: « Eh bien, nous avons tous ces profiteurs » – je déteste utiliser ce terme – « nous avons tous ces profiteurs et nous n’allons plus le faire. »»
C’est une tournure de phrase qui rappelle l’ancien président Donald Trump, qui a fréquemment réprimandé les alliés de l’OTAN pour avoir compromis l’alliance – et qui se présente à nouveau à la présidence l’année prochaine.
Des plaintes contre le Canada
Le «Washington Post» n’a pas donné de précision ou de détails sur les commentaires de M. Trudeau. Mais il décrit les plaintes d’un certain nombre d’alliés au sujet de lacunes perçues au sein de l’armée canadienne.
L’OTAN, par exemple, est «préoccupée» par le fait que le Canada n’a pas renforcé les rangs de son groupement tactique en Lettonie, qui fait partie d’une mission multinationale de dissuasion en Europe de l’Est connue sous le nom d’opération Reassurance.
La Turquie a été «déçue» par le «refus» apparent du Canada d’aider à transporter de l’aide après un tremblement de terre plus tôt cette année, tandis qu’Haïti est «frustrée» par la réticence du Canada à organiser une mission de sécurité là-bas, a rapporté le quotidien.
«Des lacunes généralisées en matière de défense entravent les capacités canadiennes, peut-on lire dans l’article. Tout en mettant à rude épreuve les relations avec les partenaires et les contributions à l’alliance.»
La ministre de la Défense Anita Anand a rejeté catégoriquement la prémisse de l’histoire du «Washington Post» dans une entrevue mercredi, après une rencontre avec l’actuel ambassadeur américain David Cohen.
«Nous avons […] discuté de la trajectoire ascendante de nos dépenses de défense», a-t-elle affirmé.
Le gouvernement libéral s’est engagé à consacrer près de 40 milliards $ à la modernisation du NORAD et à la défense nord-américaine, en plus des 8 milliards $ de dépenses militaires annoncées dans le budget de 2022, a-t-elle ajouté.