La police d’Ottawa dit avoir arrêté plus de 100 manifestants jusqu’ici depuis jeudi

OTTAWA — La police d’Ottawa a arrêté jusqu’ici plus de 100 personnes et remorqué 21 véhicules lors d’une opération massive visant à démanteler vendredi une manifestation antigouvernementale qui paralyse la colline du Parlement et le centre-ville de la capitale fédérale depuis plus de trois semaines.

Le chef par intérim du Service de police d’Ottawa, Steve Bell, a déclaré vendredi que l’opération était « méthodique » et que la police contrôlait le secteur, mais il a ajouté que dégager l’endroit prendrait du temps. 

La police avait commencé à intervenir jeudi soir, mettant en place une centaine de points de contrôle, pour créer une « zone sécurisée », et arrêtant les principaux organisateurs. De nombreux autres policiers, dont des agents de la Sûreté du Québec, sont descendus dans le centre-ville vendredi matin, certains vêtus d’un équipement antiémeute et tenant ce qui semblait être des cartouches de gaz lacrymogène.

Soutenues par des agents à cheval et sur les toits, des files de policiers ont lentement avancé sur une intersection juste à l’est de la colline du Parlement, isolant un groupe de manifestants. La police a lancé des avertissements par haut-parleur avant que les agents n’avancent par intermittence, repoussant des dizaines de manifestants, dont certains ont lié leurs bras ou se sont couchés en résistance tandis que d’autres ont lancé des insultes ou ont tenté de fuir.

Le soir venu, la situation s’est échauffée. Des policiers à cheval ont soudainement chargé un grand groupe de manifestants face à une ligne de police près du Sénat dans un effort apparent pour déplacer la foule vers la rue Wellington. Beaucoup dans la foule, choqués, ont couru, certains criant qu’ils se faisaient piétiner. 

La police d’Ottawa a déclaré sur Twitter que des « manifestants ont continué à être agressifs avec la ligne de police. Afin d’éviter une escalade ou des blessures supplémentaires, des officiers à cheval ont été envoyés sur place pour créer un espace critique entre la ligne de police et les manifestants. »

Pendant que cela se produisait, selon la police, un vélo a été jeté aux pieds de l’un des chevaux dans le but de le blesser. Une personne a été arrêtée pour avoir intentionnellement blessé un animal de la police.

« Les manifestants agressent les agents et ont tenté de leur retirer leurs armes. Tous les moyens de désescalade ont été utilisés pour avancer dans notre objectif de ramener Ottawa à la normale », a écrit sur Twitter le service de police.

Le chef Bell a indiqué que les policiers exhortent toujours les manifestants à partir pacifiquement, mais les personnes arrêtées ont été accusées de diverses infractions, dont des méfaits. 

En soirée, la police a indiqué sur Twitter que « personne n’a été gravement blessé ou est décédé en lien aux interventions policières d’aujourd’hui ».

Le chef intérimaire assure qu’il n’a pas été nécessaire de faire appel à la Société d’aide à l’enfance d’Ottawa, mais il s’est dit « choqué et surpris » de voir que des enfants sont mis en danger.

Plus tard en soirée, un journaliste a été poussé par un manifestant alors qu’il présentait son reportage en direct sur les ondes de LCN. Peu après, le producteur exécutif Maxime Landry a écrit sur Twitter : « Mon collègue reporter Raymond Filion est correct. Nous venons de lui parler. Le geste dont il a été victime ce soir est inacceptable. Les policiers sont avisés. »

Arrestation des organisateurs

L’une des figures de proue du « convoi de la liberté », Pat King, a été arrêté vendredi. Il a lui-même publié une vidéo de son arrestation en direct sur les médias sociaux. Sur cette vidéo, un policier l’informe qu’il est en état d’arrestation pour avoir conseillé de commettre un méfait, avoir conseillé de désobéir à une ordonnance du tribunal et conseillé de commettre une entrave au travail des policiers.

Deux autres organisateurs de la manifestation, Chris Barber et Tamara Lich, avaient été arrêtés jeudi. Ils devaient comparaître vendredi pour avoir conseillé à d’autres de commettre un méfait. Chris Barber a aussi été accusé d’avoir conseillé de désobéir à une ordonnance du tribunal et conseillé une entrave au travail de la police.

Une juge de la Cour de justice de l’Ontario a déclaré vendredi soir qu’une caution pouvait être accordée à M. Barber. La juge Julie Bourgeois l’a libéré moyennant une caution de 100 000 $ et aux conditions qu’il quitte l’Ontario avant le 23 février, qu’il n’endosse pas publiquement le convoi et qu’il n’ait aucun contact avec les autres principaux organisateurs de la manifestation. Mme Lich doit comparaître dans la salle d’audience d’Ottawa samedi matin et devait passer la nuit en prison en attendant son enquête sur le cautionnement.

M. King, Mme Lich et d’autres organisateurs du soi-disant «convoi de la liberté» ont également vu un gel temporaire de leurs comptes bancaires – y compris les fonds en bitcoins et en cryptomonnaie – à la suite d’une décision de la Cour supérieure de l’Ontario jeudi. 

Certains manifestants disaient être venus à Ottawa simplement pour exiger la levée des mesures sanitaires, mais d’autres, y compris ceux qui prétendaient diriger le convoi, exigeaient le renversement du gouvernement libéral.

« Zone sécurisée » 

Tôt vendredi matin, les gyrophares des véhicules de police scintillaient à plusieurs intersections, alors que des policiers, postés à des dizaines de coins de rue, contrôlaient tout véhicule essayant d’entrer dans une « zone sécurisée », qui s’étend sur plusieurs pâtés de maisons, au sud du parlement. 

Dans un froid mordant, après une nuit de tempête de neige, des manifestants installés dans la rue Wellington, devant la colline du Parlement, se blottissaient autour de feux de camp allumés sous des tentes, alors que les moteurs des camions qui engorgent le centre-ville depuis des semaines tournaient au ralenti.

Dans une publication en direct sur Facebook, plus tôt vendredi matin avant son arrestation, Pat King demandait aux manifestants de marcher jusqu’à la colline du Parlement. Il leur demandait également de placer les camions devant les dépanneuses pour les empêcher de déplacer des véhicules. M. King menaçait de découvrir à quelles entreprises appartiennent les chauffeurs des remorqueuses, qui commettent selon lui un « suicide professionnel ». 

Lyndsay Kruisselbrink, qui en était à son troisième voyage à la manifestation d’Ottawa et prévoyait de rester jusqu’à lundi, a déclaré que l’ambiance parmi les participants était « très calme », ajoutant que tout le monde était heureux avec « beaucoup d’amour ».

Peu de temps après, la police d’Ottawa a lancé un nouvel avertissement indiquant qu’une autre série d’arrestations avait commencé, avant que les remorqueuses n’arrivent à l’extrémité est du centre-ville d’Ottawa pour commencer à traîner les véhicules.

Action collective

Une action collective au nom de milliers de résidants du centre-ville d’Ottawa réclame des millions de dollars en dommages-intérêts pour le bruit et les graves perturbations causées par la manifestation.

La manifestation à Ottawa s’est rapidement propagée à d’autres parties du pays, perturbant les affaires et le commerce au milieu des inquiétudes que les extrémistes d’extrême droite et les groupes haineux tentaient d’utiliser les manifestations pour faire avancer leurs programmes idéologiques.

La police a commencé à dégager les manifestants du sud de l’Ontario, de l’Alberta et d’ailleurs plus tôt cette semaine. La police d’Ottawa, en étroite collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada et la Police provinciale de l’Ontario, a commencé jeudi à arrêter les principaux membres du convoi. 

Le chef de la police d’Ottawa avait démissionné mercredi au milieu de vives critiques sur l’état d’anarchie au centre-ville.